L’ÉGALITÉ DE TOUS les citoyens devant la loi ? L’affaire des emplois fictifs n’a été qu’une partie des affaires qui ont conduit les procureurs à avoir des soupçons sur sa gestion de la Mairie de Paris. Un accord UMP-Chirac-Delanoë (actuel maire de la capitale) a empêché un procès civil. Le parquet avait réclamé à cor et à cri la relaxe de l’ancien président. Dans la décision du tribunal correctionnel, quelle est la part de sérénité judiciaire et quelle est celle de la démonstration de l’indépendance de la justice ? De quoi, en définitive, M. Chirac est-il coupable ? De « détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d’intérêts », chefs de mise en examen impressionnants, ou du changement de l’histoire qui fait que ce qui était toléré autrefois ne l’est plus aujourd’hui ? Fallait-il accabler ce vieil homme au soir de sa vie, qui lutte contre la maladie ?
Pas plus que l’on souhaite l’exonérer, ce qui reviendrait à juger le jugement, l’on n’est enthousiaste au sujet d’un acte judiciaire qui ne rend nullement compte de méthodes condamnables en vigueur dans les années quatre-vingt dix. Pas plus qu’un homme politique peut se situer au-dessus des lois, il n’existe de pure sentence quand la politique et la justice entrent en collision. Même si c’est leur faire un procès d’intentions, n’y a-t-il pas chez les juges d’instruction confrontés aux délits des grands personnages politiques, un hubris spécifique qui incite les premiers à poursuivre les seconds avec plus d’acharnement ? Les millions de nos concitoyens qui ont voté Chirac en 1995 et 2002 se sentent atteints eux aussi par le jugement. Décidément, on est encore très loin de l’infaillible martingale qui inclurait tout le monde, y compris le président de la République, dans le champ de l’action judiciaire, alors que, de toute évidence, ce sont la densité du pouvoir qu’ils détiennent et l’épouvante que soulèverait leur mise en examen pendant qu’ils exercent ce pouvoir qui conduisent les chefs de l’État à oublier qu’ils sont eux aussi des justiciables comme les autres.
Comment ne pas voir non plus que, quand un ancien président est condamné, le jugement altère le rapports de force politique ? Que tout ancien président appartient forcément à un camp et non à l’autre ? La plupart des Français sont à la fois intimidés par la justice et consternés par sa sévérité, et il y aura toujours des hommes ou des femmes qui exulteront de joie si un chêne est abattu. Valéry Giscard d’Estaing, qui estime devoir sa défaite de 1981 à Jacques Chirac, a perdu la raison quand il a décrit, vendredi, dans un journal anglais, un Chirac qui trempe les doigts dans la confiture, en est tout barbouillé, mais continue à nier qu’il ait touché au pot. Que devient la dignité nationale lorsqu’un ex-président de 85 ans, à qui on peut toujours demander ce qu’il en est des diamants de Bokassa ou du « suicide » de Robert Boulin, règle ses comptes avec un autre ex-président de 79 ans ?
La gauche, il est vrai, s’est bien gardée de s’emparer du sujet pour en faire une nouvelle arme dans le combat électoral. Il est vrai que François Hollande et Jacques Chirac, réunis par leur attachement à la Corrèze, ont des relations de forte sympathie, au point que l’ancien président n’a pas craint, récemment, d’annoncer qu’il voterait Hollande, au grand embarras de sa famille et de l’UMP. À droite, parlé d’« humour » corrézien, alors que, de toute évidence, M. Chirac était sincère, pour autant qu’il eût les idées claires. Voilà donc, pour Jacques Chirac, une fin de vie un peu cauchemardesque qui entache son unique parcours politique. Peut-il garder sa Grand-Croix de la Légion d’Honneur ? On se pose la question avec angoisse dans les milieux concernés. Preuve que, dans cette société dépoupée en strates et en secteurs, la vanité n’a pas disparu, l’importance de la bimbeloterie demeure, le souci des colifichets persiste. Le temps qui passe, ou comment brûler ce que l’on a adoré.
Jacques Chirac, meurtri au soir de sa vie
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