« CE N’EST PAS encore demain que la musique sera prescrite sur ordonnance », plaisante Hervé Platel, professeur en neuropsychologie à l’université de Caen et chercheur à l’INSERM. Pourtant, les chercheurs planchent depuis plusieurs années sur les vertus thérapeutiques de la musique, et les résultats sont encourageants. « Même si la valeur thérapeutique de la musique n’est pas encore prouvée, nos études montrent qu’il y a quelque chose et qu’il faut aller plus loin », estime Emmanuel Bigand, professeur en psychologie cognitive à Dijon et directeur de recherche au CNRS. Il participe à un programme européen de recherches sur les effets de la musique sur la santé, dont les premiers résultats révèlent des effets positifs sur les maladies invalidantes.
Les études menées depuis une trentaine d’années ont déjà permis de montrer que « l’écoute de la musique permet de modifier notre cerveau », explique-t-il. La neuro-imagerie cérébrale a notamment mis en évidence une activation des deux hémisphères du cerveau lorsqu’une personne joue du piano. « La coordination de la main droite et de la main gauche se traduit par une coordination de l’hémisphère droit et de l’hémisphère gauche », indique Emmanuel Bigand. Chez les musiciens, les chercheurs ont également noté une hypertrophie des régions de l’hippocampe, par rapport aux non-musiciens. Ce phénomène s’observe même chez les animaux. L’écoute de la musique par des rats ou des souris, par exemple, se traduit par une augmentation de la neurogenèse dans leur hippocampe. « C’est une région clé dans la mémoire, explique Hervé Platel. Et la musique permet de solliciter différents types de mémoires : émotionnelle, épisodique, motrice, mémoire du corps, etc. » Ainsi, des ateliers d’apprentissage de chansons nouvelles réalisés auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont montré que, contrairement aux idées reçues, ces patients étaient capables de mémoriser de nouvelles données et pouvaient ensuite s’en rappeler jusqu’à quatre mois après. « Nos expériences montrent que le cerveau de ces patients n’est pas une coquille vide. Une facette de leur mémoire continue à fonctionner et leur permet d’assimiler de nouvelles mélodies », détaille Hervé Platel.
Il prépare actuellement une étude sur les effets de l’apprentissage de la musique sur des patients âgés sains, qui n’ont jamais pratiqué d’activité musicale. « Nous allons leur faire apprendre la guitare manouche et nous vérifierons si on peut observer des changements au niveau de leur cerveau », explique-t-il.
Limiter le déclin cognitif.
Mais la musique n’a pas seulement un rôle dans la mémoire. Elle a aussi des effets sur d’autres activités. « Des travaux dans le champ de l’éducation et la santé ont montré que des enfants bénéficiant d’un apprentissage musical obtiennent de meilleurs résultats à l’école, par exemple en mathématiques. Et chez des enfants sourds, la stimulation par la musique permet de faciliter l’apprentissage du langage. Tandis que chez les seniors, la pratique musicale permet de limiter le déclin cognitif », énumère Emmanuel Bigand. Par ailleurs, des études portant sur des patients victimes d’accident vasculaire cérébral, ont montré que l’apprentissage du piano permettait de réduire leurs troubles moteurs. « Nous avons même observé que des patients aphasiques, pourtant incapables de parler, pouvaient néanmoins chanter », souligne-t-il.
Toutes ces recherches doivent cependant être poursuivies afin de mieux comprendre les vertus thérapeutiques de la musique. Un congrès international sur les neurosciences et la musique se tiendra fin mai à Dijon et rassemblera des chercheurs du monde entier sur cette thématique. « Il y a encore du chemin à faire avant d’utiliser la musique comme un médicament », reconnaît Hervé Platel. Néanmoins, à l’heure où le « sport sur ordonnance » commence à être testé dans plusieurs villes françaises, il espère que la « musique sur ordonnance » pourra elle aussi être un jour reconnue comme un complément aux traitements traditionnels.
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