Passant sous la barre symbolique des 30 %, la marge brute globale est un nouveau signal d’alarme dans une économie officinale mise à mal par la hausse générale des coûts, une prédominance croissante des médicaments chers et des pénuries de médicaments qui commencent à se faire ressentir sur le bilan. Ces chiffres diffusés ce matin par le réseau d’experts-comptables CGP viennent corroborer les alertes lancées par les syndicats de la profession. Suffiront-ils à convaincre l’assurance-maladie que des revalorisations sont plus que nécessaires ?
C’est la douche froide. Certes, les experts-comptables et les syndicats l’avaient bien prédit il y a un an, mais l’atterrissage n’en est pas moins rude. Pour la première fois depuis 2018 l’évolution du chiffre d’affaires n’atteint que 1,68 % à 2,03 millions d’euros en moyenne. Mais, indicateur plus alarmant encore, la marge brute globale n’équivaut plus qu’à 29,33 % du chiffre d’affaires, soit en valeur absolue 694 000 euros. Il faut remonter à plus de dix ans pour trouver tel marasme. Cette involution est due à la perte de vitesse des prestations de service et des TAG pendant l’exercice 2023, la marge commerciale sur les ventes étant quasiment au niveau de 2020. Désormais, les honoraires de dispensation contribuent à près de 60 % de la marge sur les médicaments remboursables et à 35 % de la marge brute globale, toutes activités confondues, relève le réseau CGP, à l’origine de ces statistiques portant sur 1 832 bilans de pharmacies clôturés entre mars et octobre 2023. Des chiffres qui viennent appuyer l’une des principales revendications des syndicats de la profession auprès de l’assurance-maladie : la revalorisation des honoraires. Cette urgence est d’autant plus justifiée que, dans un contexte où les charges salariales ont augmenté de près de 9 % et les charges externes de 3 %, l’EBE (excédent brut d’exploitation) ne ressort plus qu’à 10,95 % du chiffre d’affaires, soit 259 100 euros en valeur. Même en faisant abstraction des années exceptionnelles 2022 et 2021 où il avait atteint des pics de 14,94 % et de 13,59 %, un niveau aussi faible d’EBE n’avait plus été vu depuis les années 2007-2008. « Toutes les officines subissent ces reculs, quelles que soient leur typologie, leur taille ou leur localisation », constate Joël Lecoeur, président du réseau CGP. « La rentabilité des officines est sanctionnée par un contexte économique général tendu, dominé par l’inflation », poursuit-il.
À ces facteurs exogènes que sont les hausses de charges, s’ajoutent d’autres pénalités : les médicaments chers (dont le prix excède 150 euros) pèsent de plus en plus lourds. Constituant aujourd’hui 38,31 % du chiffre d’affaires du médicament remboursable, ces ventes grèvent de plus en plus la marge. Une marge par ailleurs infléchie d’un point par les pénuries de médicament qui entraînent une baisse mécanique des remises génériques. C’est la première fois que les conséquences des ruptures de stocks sont ainsi chiffrées.
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