Atterrissage forcé ou retour à la normalité ? L’économie officinale se réveille en tout cas avec la gueule de bois après trois exercices marqués par les activités Covid. Les premiers bilans pour l’année 2023 dont fait état le réseau CGP*, marquent un tournant. La marge globale brute passe sous le seuil symbolique des 30 % pour ne plus atteindre que 29,33 % du chiffre d’affaires, soit en valeur absolue 694 000 euros. Il faut remonter à plus de dix ans pour trouver tel marasme.
Le poids des pénuries enfin chiffré
Cette involution est due à la perte de vitesse des prestations de service et des TAG pendant l’exercice 2023, la marge commerciale sur les ventes étant quasiment au niveau de 2020. S’y ajoute une perte de marge estimée à un point, due à la baisse des remises génériques engendrées par les ruptures de médicaments. C’est la première fois que les conséquences des pénuries sont ainsi chiffrées.
La poussée du 2,1 %
Subissant une baisse des prix du médicament, des ventes des produits conseil et de manière générale d’une érosion du trafic en officine de 2 %, le chiffre d’affaires voit sa progression se tasser à 1,68 % (2,05 millions d’euros). Et ce en dépit d’une poussée notoire des médicaments chers (prix supérieur à 150 euros). Ils constituent aujourd’hui 38,31 % du chiffre d’affaires du médicament remboursable et contribuent pour la progression de ces ventes qui enregistrent la plus forte hausse – 7,79 %, hors honoraires de dispensation- parmi les quatre segments de taux de TVA. Désormais, les honoraires de dispensation contribuent pour près de 60 % à la marge sur les médicaments remboursables et à 35 % de la marge brute globale, toutes activités confondues, relève le réseau CGP. Quant à l’excédent brut d’exploitation (EBE), il faut remonter aux années 2007-2008 pour retrouver un taux aussi faible : 10, 95 % du chiffre d'affaires (10,50 % hors activités Covid), soit 259 100 euros en valeur. Même en faisant abstraction des années exceptionnelles 2022 et 2021 où il avait atteint des pics de 14,94 % et de 13,59 %, un niveau aussi faible d’EBE n’avait plus été vu depuis les années 2007-2008.
Les disparités se creusent
« Toutes les officines subissent ces reculs, quelles que soient leur typologie, leur taille ou leur localisation », constate Joël Lecoeur, président du réseau CGP. Les disparités ne se creusent pas moins au sein du réseau officinal. Ainsi, les pharmacies dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros sont les plus pénalisées avec une chute de 3 % de leur activité (-0,5 % pour celles dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 et 1,5 million d’euros). En revanche, les pharmacies d’un chiffre d’affaires de 2,5 à 4 millions d’euros enregistrent une hausse de 3 % de leur activité. Une progression similaire à celle que connaissent les pharmacies rurales tandis que leurs homologues des zones urbaines subissent un léger retrait d’activité.
Faire abstraction du chiffre d’affaires
La rentabilité officinale est avant tout sanctionnée par une augmentation de 3 % des charges externes, dont le volume atteint désormais 5 % du chiffre d’affaires. Toutefois, ce sont les charges de personnel qui progressent le plus à près de 9 % (soit une hausse cumulée de plus de 22 % en deux ans), pour un volume équivalant à 11 % du chiffre d’affaires. « Un retour à la vraie vie », comme le constate Joël Lecoeur, qui pointe un contexte économique général difficile, marqué par l’inflation. Plus que jamais, il apparait, insiste le président de CGP, qu’une officine ne peut plus se piloter à vue en attendant le bilan annuel. Ces nouvelles données en attestent une nouvelle fois, le chiffre d’affaires n’est plus un indicateur fiable. Par conséquent, c’est en temps réel que les titulaires doivent apprécier leur rentabilité, notamment leur marge brute globale à l’aide de tableaux de bord. Pour éviter les mauvaises surprises.
*Statistiques professionnelles de la pharmacie. Edition 2024 sur un échantillon de 1 832 pharmacies dont les bilans ont été clôturés entre mars et octobre 2023.
La rémunération des titulaires en baisse
La rémunération moyenne* du titulaire atteint 60 500 euros en 2023, soit une baisse de 2,86 % par rapport à l’année précédente. Cette inflexion est encore plus drastique pour les gérants de pharmacies des zones urbaines, ceux dont la rémunération est déjà la plus basse et qui a subi un coup de rabot de 5,22 % en 2023, à 53 300 euros. Dans les zones commerciales, le titulaire tire son épingle du jeu en s’accordant près de 69 000 euros de rémunération, en baisse de 1,4 % similaire à celle subie par leurs confrères des gros bourgs qui touchent 66 600 euros. Quant aux pharmaciens des zones rurales, leur rémunération annuelle atteint 54 600 euros en moyenne, soit 1 % de moins qu’un an auparavant.
*Nette de cotisations sociales, elle représente 2,56 % du chiffre d’affaires et 23 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE).
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