Signe que le secteur de la santé tangue, les Français n’en finissent plus de perdre confiance dans leur système de soins : ils ne sont plus que 65 % à lui faire confiance en 2024, soit une baisse – une dégringolade – de 19 % en un an, selon le Bulletin de santé des Français 2024* de NèreS (association regroupant les laboratoires qui fabriquent et commercialisent des produits de santé sans ordonnance en pharmacie) réalisé avec Toluna Harris Interactive, et dévoilé le 27 juin. « C’est extrêmement rare de connaître une telle évolution », commente Jean-Daniel Lévy, directeur exécutif de Harris Interactive.
« Cette chute vertigineuse, en une seule année, est en réalité en phase avec le reste des indicateurs du lien qui s’effrite entre les Français et leur système de santé », interprète-t-on du côté des industriels. Car dans la même perspective, plus de la moitié des Français interrogés (54 %) estiment que le système de santé fonctionne mal, dont 16 % très mal, et qu’il se détériore (61 %, + 3 points en 1 an et + 2 points en 2 ans). Quant à l’avenir, 59 % des Français sont pessimistes sur les perspectives d’amélioration et de capacité à répondre aux besoins futurs et 63 % pensent que l’accès à des soins de qualité sera plus difficile. Ces chiffres sont le résultat des contraintes rencontrées au quotidien par les Français : difficulté à accéder à un professionnel de santé, contraintes économiques (hausse des franchises médicales, coûts des consultations médicales), parcours de soins complexes et de plus en plus difficiles à comprendre, distances géographiques…
Adaptations et renoncement aux soins
Autre signe inquiétant, les Français s’éloignent de plus en plus du système de santé. Toujours selon NèreS, la proportion de patients allant rarement chez le médecin ou en pharmacie augmente : près de 4 Français sur 10 ne sont jamais allés, ou rarement, chez le médecin pour des maux quotidiens au cours de l’année, et un quart pour la pharmacie (voir encadré ci-dessous). Des Français qui par ailleurs affirment que leur santé mentale s’est détériorée depuis 2023 (pour 26 %, + 4 points), de même que leur santé physique (27 %, + 8 points).
Pour compenser, les Français ont développé de nouveaux parcours de soins alternatifs dans la prise en charge des maux du quotidien. Ainsi, face aux difficultés d’obtenir un rendez-vous avec un médecin pour un problème de santé, 56 % des Français pensent à prendre un médicament en vente libre en pharmacie et 40 % à en parler à un pharmacien. Ils sont 44 % à penser utiliser un « remède naturel » ou une médecine alternative, et la même proportion pense à consulter un médecin.
Cependant, plus d’un tiers des Français interrogés (36 %) pensent à renoncer à se soigner ou à ignorer les symptômes et à ne rien faire. Dans les faits, face à la complexité du système de santé, la moitié des personnes interrogées (50 %) ont déjà dû renoncer aux soins en 2024. Un chiffre en hausse : +5 % par rapport à 2023. En conséquence, les Français se reportent de plus en plus sur les urgences : 24 % d’entre eux se sont rendus aux urgences pour des maux du quotidien au cours des 12 derniers mois.
Les Français ont développé de nouveaux parcours de soins alternatifs dans la prise en charge des maux du quotidien
Le pharmacien au centre du système
Dans ce contexte, le pharmacien apparaît de plus en plus comme le pilier des soins de ville. Alors que les Français trouvent qu’il est difficile de trouver un médecin dans les 24 heures, ils trouvent en revanche qu’il est « facile » (80 %), voire « très facile » (57 %), de parler à un pharmacien pour trouver une solution. De même, à la suite de l’augmentation des franchises médicales sur les médicaments, plus de 4 personnes sur 10 envisagent de moins consulter pour les maux quotidiens et de se rendre directement en pharmacie pour trouver une solution, y compris pour les personnes souffrant de handicap ou souffrant de nombreux maux du quotidien.
De plus, 91 % des Français interrogés jugent le pharmacien facile d’accès. « Il constitue, selon eux, une alternative efficace pour prévenir les maux du quotidien (89 %), les soigner (89 %) et les orienter vers un professionnel de santé adapté (88 %) », décrypte Luc Besançon, délégué général de NèreS. Une ombre se glisse cependant au tableau : ces chiffres sont en baisse de 3 à 5 points sur un an. En 2023, ils étaient par exemple 96 % à juger facile de se rendre en pharmacie. Cette différence s’explique par le besoin accru d’une meilleure communication, davantage de confidentialité et d’intimité au comptoir et d’une moindre fréquentation des lieux.
Le pharmacien est également le premier relais pour la téléconsultation puisque 30 % de ces consultations ont été effectuées en pharmacie, juste derrière le domicile (56 %).
Enfin, les Français sont favorables à un élargissement des missions des pharmaciens : dépistage de pathologies (77 %), réalisation de consultations pour des affections courantes telles que les maux de tête, les courbatures et les problèmes digestifs (83 %).
De quoi donner des idées aux industriels. Fort de ces résultats, NèreS appelle à « formaliser une vision des soins de premier recours de demain et définir une stratégie globale pour améliorer l’accès », avec des réformes « compréhensibles » pour tous. Surtout, l’organisation des industriels réitère sa proposition de délister, sans dérembourser, plusieurs molécules (97 molécules en vente libre en France contre 131 en Espagne, 135 en Allemagne ou 146 au Royaume-Uni), et de faire du pharmacien d’officine « la porte d’entrée » pour les soins de premier recours.
Pour faire face aux difficultés d’accès aux médecins, 56 % des Français pensent à prendre un médicament en vente libre en pharmacie
Un signal d’alarme
Plus globalement, si dans le baromètre NèreS le pharmacien s’en sort bien, le système de santé est sévèrement critiqué et avec lui, l’action du gouvernement. En effet, alors que le sujet de la prévention est jugé capitale (92 % l’estiment importante), elle n’est pas suffisamment développée pour 51 % des Français, et ce même si les réformes les plus connues (vaccination et dépistage en pharmacie, préservatifs délivrés à titre gratuit pour les moins de 26 ans…) sont des mesures de prévention.
En matière de réforme, les Français sont aussi dans l’attente : pour 7 personnes sur 10, l’État n’a pas suffisamment mis en place les mesures permettant d’améliorer le système de santé. La lutte contre les déserts médicaux (46 %), la réforme de l’hôpital (27 %) et la lutte contre les pénuries de médicaments (25 %) sont les chantiers que les Français estiment prioritaires.
« Les questions de santé constituent les principales préoccupations des Français, rappelle Jean-Daniel Lévy. Cela doit collectivement être un sujet de discussion pour l’avenir, et probablement pour le futur gouvernement et la nouvelle Assemblée nationale. » C’est dit.
*Enquête menée en ligne du 30 avril au 14 mai 2024 sur 2026 personnes de 18 ans et plus, représentatives de la population française, par Toluna Harris interactive
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