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Convention : quelle rémunération pour les missions ?

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Publié le 08/03/2022
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Le travail mené depuis plus de quatre mois entre l’assurance-maladie et les deux syndicats de pharmaciens aboutit à un projet de texte conventionnel riche qui engage la profession pour les cinq ans à venir. Ambitieux, le texte de 167 pages entérine le rôle de santé publique du pharmacien et accroît ses missions de prévention, d’accompagnement des patients, de premier recours et d’amélioration du bon usage des produits de santé. La convention prévoit également son implication dans le virage numérique et la prise en compte des enjeux environnementaux. À la clé, 100 à 150 millions d'euros supplémentaires pour le réseau officinal.
Un texte qui engage la profession pour les cinq prochaines années, pour une rémunération globale chiffrée entre 100 et 150 millions d’euros

Un texte qui engage la profession pour les cinq prochaines années, pour une rémunération globale chiffrée entre 100 et 150 millions d’euros
Crédit photo : Phanie

Sous réserve d’une décision favorable de la Fédération de syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui doit intervenir aujourd’hui, la signature de la nouvelle convention pharmaceutique ne serait plus qu’une question de jours, voire d’heures. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) réunie en conseil d’administration a déjà avalisé la semaine dernière le texte présenté, par 75 % des voix, et insiste sur « les avancées majeures pour la profession ».

Voici les principales missions qui vous attendent et les rémunérations afférentes. Pour certaines d’entre elles qui seront mises en œuvre rapidement, les rémunérations seront versées à titre exceptionnel cette année sous forme de ROSP afin de ne pas retarder leur réalisation. Un délai de six mois est en effet nécessaire entre la signature du texte conventionnel et l'instauration d'un paiement à l'acte.

Les bons points

• Vaccination. Devenue l’un des emblèmes de l’engagement des pharmaciens dans la lutte contre le Covid, la vaccination à l’officine voit le champ des compétences de la profession s’élargir. La rémunération prévue à la convention est de 7,50 euros pour la vaccination contre la grippe ; pour les autres vaccins, elle est de 7,50 euros sur présentation d'une prescription et de 9,60 euros lorsque le pharmacien est lui-même prescripteur.

• Dépistage. La remise du kit de dépistage du cancer colorectal à tout patient entre 50 et 74 ans, pourvu qu'il ne soit pas à risque élevé, est rémunérée 5 euros jusqu'au 31 décembre 2023. À partir du 1er janvier 2024, le pharmacien percevra 3 euros pour la remise du kit et 2 euros supplémentaires si le patient réalise le test.

Pour faciliter le parcours des femmes dans la prise en charge de la cystite aiguë simple, le pharmacien pourra délivrer une bandelette urinaire et procéder à son analyse, que la patiente vienne spontanément à l’officine ou bien qu’elle soit adressée par un médecin. La rémunération de cet acte sera de 5 euros, plus 1 euro pour la bandelette.

• Dispensation adaptée. Cette intervention devrait être étendue en juillet à certains produits de la LPP tels que les bandelettes pour lecteurs de glycémie, les pansements et les compléments nutritionnels oraux. À cette date, les partenaires conventionnels doivent en effet tirer un bilan des deux années de mise en place de cet acte et potentiellement revoir les modalités de sa valorisation.

• Accompagnement de la femme enceinte. Afin de sensibiliser ces patientes au risque lié à la consommation de substance tératogènes ou fœtotoxiques (médicaments, alcool, compléments alimentaires, phytothérapie, aromathérapie, etc.) durant la grossesse, la convention met en place un entretien pharmaceutique court. Cette mission devrait commencer 6 mois après signature de la convention et sera rémunérée 5 euros. L’entretien pourra être élargi, dans un second temps conventionnel, aux grossesses à risques.

• Téléconsultation à l’officine. L'équipement de base est pris en charge à hauteur de 1 225 euros, puis la rémunération – dégressive – se fera par tranche de 5 téléconsultations et sera plafonnée à 750 euros par an. Les partenaires conventionnels ont convenu d’étudier l’évolution vers une rémunération à l’acte individualisé.

Les « peut mieux faire »

• Conditionnements trimestriels. Un point qui a failli faire capoter la convention car la FSPF était formellement opposée à une baisse de l'honoraire de 2,70 euros à 2,55 euros. L'assurance-maladie s'est finalement rangée du côté des syndicats mais a retiré les pilules contraceptives de la liste des conditionnements trimestriels donnant lieu à cet honoraire. L'USPO regrette que le gain pour le réseau n'atteigne au final qu'un million comparé à la version initiale de l'assurance-maladie. Cette mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

• Dispensation à domicile. Elle est conditionnée à une coordination des soins puisqu'elle ne pourra s'effectuer que dans le cadre du programme de retour à domicile (PRADO). Elle sera rémunérée à hauteur de 2,50 euros dans la limite de 5 dispensations à domicile par jour, tout patient confondu. Une rémunération insuffisante pour l'USPO. « Ce n'est même pas le prix de La Poste ou de Uber, alors que nous dispensons avec un conseil », déclare son président, Pierre-Olivier Variot, qui y voit une aberration « à l'heure de la généralisation du principe "d'aller vers" ».

• ROSP numérique en santé. Cette ROSP s’inscrit dans le contexte de généralisation de « Mon espace santé » et repose sur cinq indicateurs socles : participer à un exercice coordonné, disposer d’un logiciel référencé Ségur et certifié HAS, ne pas avoir été condamné pour fraude et, à compter de 2024, l’utilisation de la e-prescription pour 70 % des délivrances. Ce 5e indicateur est un non-sens pour Pierre-Olivier Variot, qui note que les pharmaciens n’ont pas la main sur le choix d’e-prescrire des médecins.

• ROSP bon usage des produits de santé. Cette nouvelle ROSP compte cinq indicateurs dont deux doivent impérativement être atteints pour en déclencher le paiement. Il s’agit en premier lieu de l’adhésion à la démarche qualité mise en place par le Haut comité qualité officine. Si le pharmacien réalise l’autoévaluation proposée, s’inscrit à la newsletter et réalise un programme d’amélioration de la qualité de la pratique, il est rémunéré 100 euros par an. Cette ROSP est aussi conditionnée à l’atteinte d’un taux de substitution générique de 85 % minimum.

Les trois autres indicateurs sont la stabilité de délivrance de génériques de même marque aux plus de 75 ans, le taux de recours au motif d’urgence lorsque la substitution n’est pas possible et la pénétration générique de molécules ciblées. Le montant de la ROSP liée à ce dernier indicateur sera « capé » pendant les deux premières années à 10 millions d'euros par an. Cela pourra poser problème lorsque les anticoagulants oraux directs (AOD) seront génériqués, note Pierre-Olivier Variot. La troisième année, cette ROSP disparaîtra en raison de l'article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 qui mettra les pharmaciens « hors circuit ».

Les points à (re)voir

• Dispensation de médicaments chers. Si l’idée de baisser la dernière tranche de la marge sur les médicaments chers de 96,60 à 44 euros a été heureusement retirée, l'assurance-maladie insiste pour que la dispensation des médicaments de plus de 300 euros soit plus sécurisée. En pratique, le pharmacien consultera systématiquement l'espace santé du patient pour vérifier des prescriptions antérieures, ou, en l'absence d'espace santé, vérifiera auprès du médecin prescripteur. Et si le prescripteur, souvent hospitalier, est injoignable dans l’immédiat ? « Que faire face à une personne atteinte d'un cancer ou encore à une personne victime d'un accident d'exposition au sang (AES) : allons-nous lui dire de repasser dans deux jours pour prendre son traitement prophylactique au VIH ? », s'interroge Pierre-Olivier Variot. L'USPO demande le retrait de ce texte en l'état, quitte à le retravailler en association avec les médecins et les associations de patients.

• Pharmacien correspondant. Ce statut donne lieu à une rémunération de 1 ou 2 euros par patient selon le nombre, plafonnée à 500 euros par an. Il n'est cependant reconnu que dans les zones médicalement sous-dotées comme les ZAC (zones action complémentaire) et les ZIP (zones d’intervention prioritaire). Un paradoxe que d'avoir mis cet outil de coordination dans des déserts médicaux, souligne Pierre-Olivier Variot.

• Dispensation à l’unité. Facultative, cette mission n'a jamais recueilli l'adhésion de la profession et sa faible rémunération (1 euro) plafonnée à 500 euros par an ne va pas inciter à sa mise en œuvre.

• Prise en charge des infections urinaires. L'USPO aurait souhaité que les pharmaciens puissent accompagner les patientes atteintes de cystite aiguë simple au-delà du dépistage, et qu’ils soient habilités à prescrire le Monuril. « Nous avons besoin d'une modification des textes réglementaires qui soumettent cette dispensation à l'appartenance du pharmacien à une maison de santé pluridisciplinaire, ce qui est contraire à l'égalité de traitement des femmes », dénonce Pierre-Olivier Variot.

• Médicaments biosimilaires et hybrides. Rien n’est encore acté mais les partenaires conventionnels s’accordent pour promouvoir le développement de ces médicaments par de futures mesures en cohérence avec les conditions de substitution. Une évolution des règles de calcul de la marge réglementée des biosimilaires est également envisagée.

Le « gros » avenant économique

Le texte est appelé à évoluer sous l'impulsion des partenaires conventionnels. Après le volet métier, le volet économique sera négocié dans une période « hors Covid » et abordé en 2023. Il prendra la forme d’un « gros avenant », explique le président de la FSPF, Philippe Besset, et devrait donner lieu à la refonte de certaines rémunérations. Ainsi, la vaccination pourrait être majorée d'un euro si la couverture des Français pour un vaccin donné augmentait de 10 %. Et 2 euros seraient accordés si un objectif de plus 20 % était atteint. De nouveaux entretiens devraient être mis en œuvre : risques cardiovasculaires, mais aussi diabète, maladies transmissibles ou encore dépistage de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Marie Bonte et Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien