Élaboré par la Commission Européenne, le futur « Espace européen des données de santé » (EHDS) concerne les pharmaciens à plus d'un titre : il favorisera l'interopérabilité des dossiers numériques des patients et leur consultation dans l'ensemble de l'Union, mais réglementera aussi la conservation, la confidentialité et l'utilisation des données recueillies par tous les professionnels de santé.
Le Parlement européen a adopté ce projet en première lecture, le 13 décembre, après l'avoir fortement amendé. Grâce à l’ « Espace européen des données de santé » (EHDS), un médecin ou un pharmacien pourra consulter le dossier numérique d'un patient venant d'un autre pays, par exemple un Italien se faisant soigner en France ou inversement. L'interopérabilité des dossiers patients existe déjà entre quelques pays, mais reste difficile à généraliser, tant pour des raisons techniques que réglementaires, notamment en matière de confidentialité.
L’utilisation « secondaire » en question
Actuellement, les médecins français peuvent consulter les dossiers des patients croates, espagnols, estoniens, luxembourgeois, maltais, portugais et tchèques, et inversement pour les Français soignés dans ces pays, le tout avec l'accord des patients. Certains pays, mais pas la France, autorisent les pharmaciens à honorer une ordonnance électronique provenant d'un autre État membre : c'est le cas entre la Finlande, l'Estonie, le Portugal, l'Espagne et la Pologne.
Mais l'EHDS pose aussi de nombreuses questions sur l'utilisation des données patients recueillies, y compris dans les pharmacies. Il prévoit en effet que ces données puissent faire l'objet d'une « utilisation secondaire » à des fins de santé publique ou de recherche, ainsi que par l'industrie. Avec le soutien des représentants européens des médecins, des pharmaciens et des dentistes, les patients ont réclamé et obtenu le droit de s'opposer à l'utilisation secondaire de leurs données, lesquelles seront dans tous les cas systématiquement anonymisées et pseudonymisées.
De plus, le Groupement pharmaceutique de l'UE (GPUE), qui représente les officinaux à Bruxelles, a estimé que la transmission de certaines données pouvait enfreindre les secrets économiques et commerciaux qui protègent les officines en tant qu'entreprises, et exigé de meilleures garanties quant à la confidentialité et la non-communicabilité de ces dernières. Il s'est inquiété aussi du surcroît de travail que représentera l'application des dispositions de l'EHDS pour les officines.
La version adoptée par le Parlement tient compte de la plupart de ces réserves. Concrètement, les pharmacies ne seront pas obligées de fournir aux autorités sanitaires autant de données que le souhaitait le projet initial. Les « microstructures de santé », c’est-à-dire les entreprises de moins de dix salariés et/ou réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros, seront dispensées de l'obligation de communication à des fins secondaires. Par conséquent, beaucoup de pharmacies bénéficieront donc de cette disposition. Le texte va maintenant faire l'objet de « navettes » entre la Commission, le Conseil et le Parlement, avant une adoption prévue d'ici à 2025.