La table ronde organisée par « le Quotidien du pharmacien » lors de PharmagoraPlus a réuni syndicats, étudiants et assurance-maladie pour évoquer la nouvelle convention signée un an plus tôt et l’avenant économique qui doit être discuté au second semestre. Ce volet avait été repoussé à cette date d’un commun accord pour observer les effets post-Covid sur l’économie officinale. S’il est encore « un peu tôt pour tirer un bilan de la nouvelle convention », comme le souligne Maxime Delannoy, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), ce texte a l'avantage de remporter tous les suffrages.
« C’est une très bonne convention qui confirme le rôle joué par les pharmaciens pendant la crise sanitaire. On ne s’en serait pas sortis sans eux, ils ont été d’une efficacité, d’une réactivité et d’un investissement qu’on ne peut que saluer », reconnaît Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). Il est donc logique que ce nouveau contrat qui lie pharmaciens et assurance-maladie fasse la part belle à l’évolution du métier et à l’élargissement « substantiel » des missions du pharmacien. Avec de beaux succès à la clé, que ce soit en termes d’investissement dans le dépistage du cancer colorectal ou encore dans la vaccination.
Crash de l’économie officinale
L’élargissement des compétences vaccinales du pharmacien est « le cœur du réacteur de cette convention », rappelle Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), fier que les pouvoirs publics aient choisi de confier à la profession « l’augmentation de la couverture vaccinale dans notre pays ». Un choix judicieux au regard des résultats enregistrés en 2022 pour la vaccination à l’officine contre le Covid-19 (10 millions d’injections, soit 75 % de l’ensemble) et contre la grippe (5 millions, soit 50 % des actes vaccinaux). Seule ombre au tableau : certaines missions ont connu quelques freins quand d’autres tardent encore à entrer vigueur. « C’est le cas de la prescription des vaccins sur laquelle tout le monde nous attend aujourd’hui mais qu’on ne peut pas encore mettre en œuvre », regrette Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Reste désormais à s’atteler au futur avenant économique. La FSPF a déjà livré ses premières pistes : la revalorisation des honoraires existants et la création de quatre nouvelles rémunérations associées à des missions précises, à savoir les interventions pharmaceutiques, le renouvellement d’ordonnance de traitement chronique, la dispensation protocolisée de certains médicaments sur prescription médicale obligatoire (PMO) et la permanence des soins assurée par les officines en territoire fragile. Surtout, insiste le syndicat, il est nécessaire de prendre en compte la réalité économique du réseau. « En janvier et février, on constate le crash de l’économie officinale post-Covid, avec des chiffres comparables à ceux de 2019 mais après trois ans d’inflation et d’investissement massif dans nos équipes pour assurer les rôles qui nous ont été confiés en 2021 et 2022 », remarque Philippe Besset.
Effet ciseau
Un effet ciseau que Pierre-Olivier Variot dénonce également, pointant une hausse de la masse salariale de 12 % entre 2021 et 2022, mais une trop grande consommation du temps pharmaceutique disponible pour gérer ruptures de stock et surcharge administrative. Défendant lui aussi une revalorisation des honoraires et la création de nouveaux, il espère voir arriver rapidement des missions comme le dépistage du risque cardiovasculaire, le suivi de patients sous opioïdes ou le déploiement du pharmacien correspondant. Il demande à nouveau que les confrères soient « enfin rémunérés pour les préparations des doses à administrer (PDA) » et réitère l’idée de sortir du binôme délégant-délégué pour les protocoles cystite ou angine en appliquant des protocoles nationaux validés par la Haute Autorité de santé (HAS).
« En accord total avec les deux présidents de syndicats sur les nouvelles missions et les accompagnements », l’assurance-maladie prépare les discussions à venir avec des analyses économiques poussées « comme on l’a fait l’année dernière pour le secteur de la biologie ». Car, relève Marguerite Cazeneuve, le dialogue engage d’une part « de l’argent public » et d’autre part des acteurs économiques, en l’occurrence des entreprises qui sont aussi des employeurs. « Nous allons confronter nos données pour faire un bilan le plus objectif possible et construire un consensus sur le modèle économique. » Sur ce point, Philippe Besset appelle à « descendre jusqu’à l’analyse micro-économique, sans quoi il y aura des trous dans le maillage ». En effet, depuis une dizaine d’années, explique-t-il, « le décrochage entre revenu moyen et revenu médian s’accroît » en lien avec un effet de taille de l’officine.
La pharmacie n'est pas la biologie
Pour sa part, Pierre-Olivier Variot rappelle que les secteurs de la biologie et de l’officine ne sont pas comparables : « Notre EBE n’a pas grimpé de 12 points et les revenus de l’officine restent à l’officine, ils ne vont pas dans des fonds de pensions hors de France. » Ce dont est convenu l’assurance-maladie qui appelle à « tirer collectivement les leçons des dérives du secteur de la biologie » et qui défend une analyse économique incluant des éléments comme le niveau de dette ou le niveau d’emploi. Néanmoins, ajoute Marguerite Cazeneuve, « on voit quand même quelques réseaux qui se constituent avec des montages de dettes un peu bizarroïdes ». Il est donc nécessaire, selon elle, d’en « tenir compte dans la construction du modèle économique pour qu’on ne se retrouve pas avec un modèle qui favorise de la mauvaise pratique ou de l’optimisation financière qui serait, in fine, défavorable aux professionnels de santé et aux patients ».
Les effets de l’inflation seront aussi pris en compte - les professionnels libéraux étant impactés par des tarifs bloqués, alors que les charges augmentent - mais pas dans leur totalité. « Aucun commerçant ne répercute 100 % de l’inflation de ses achats dans les prix qu’il pratique car ce n’est pas la bonne réponse, le système économique s’écroulerait. Chaque acteur économique absorbe une partie de l’inflation et doit donc accepter une petite part de perte, y compris l’État », prévient Marguerite Cazeneuve. Dont acte, répondent les syndicats, « la part d’inflation que la profession peut absorber fera partie des négociations ».
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