Préoccupation majeure de la profession – avec l'inflation -, la perte d'attractivité de la filière officine. Pour les représentants des pharmaciens, elle s'incarne en trois chiffres : 8 000 préparateurs et 7 000 adjoints manquent au réseau officinal, tandis que plus de 1 000 sièges inoccupés dans les amphis de pharmacie font redouter le pire pour la relève dans six ans.
Afin de mieux comprendre ce phénomène, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a mené l'enquête sur l'une des premières causes présumées de cette désaffection : la rémunération des adjoints et des préparateurs. Un point d'autant plus sensible en cette période d'inflation. 1 067 adhérents ont répondu, renseignant ainsi 3 690 fiches sur leurs salariés, pour la plupart au nombre de quatre, dont au moins trois diplômés, adjoints (32 %) et/ou préparateurs (68 %). Premier enseignement, paradoxal, de l'enquête concernant ces derniers : il apparaît qu’avec 1 838,24 euros mensuels (brut), les préparateurs commencent leur vie professionnelle à un salaire supérieur de 5,75 % à celui initialement prévu par la grille. Pour les adjoints, le même phénomène est observé. Rémunérés 3 621 euros brut dès la première année, soit le salaire normalement prévu par la grille salariale au coefficient 500, les nouveaux arrivants rejoignent d'emblée leurs aînés qui comptent au moins 6 ans d'ancienneté (voir ci-dessous).
Une réforme structurelle
Ces coups de pouce à l'embauche suffisent-ils cependant à susciter les vocations et, surtout, à fidéliser des salariés expérimentés ? Certains éléments de l'enquête laissent perplexes. Car pour les préparateurs, les écarts entre salaires réels et grille salariale tendent à se réduire au fil des ans. Certes, les salariés comptant entre 14 et 19 ans d'ancienneté sont rémunérés à hauteur du coefficient 300 correspondant initialement à une ancienneté de 26 à 30 ans, soit 2 173 euros mensuels. En revanche, à partir de 27 ans passés au sein de l'officine, le salaire effectivement versé au préparateur rejoint celui de la grille. Quant aux adjoints, s'ils bénéficient d'un début de carrière accéléré, équivalent à celui d'un cadre dans l'industrie, comme le souligne Philippe Denry, vice-président de la FSPF, la progression semble plus difficile par la suite.
Face à ces constats et à une grille qui ne correspond pas à la réalité, Philippe Besset, président du syndicat, estime qu'une « réforme structurelle est indispensable afin de déconnecter la rémunération de l'augmentation automatique du SMIC et de l'inflation ». « Il faut également fidéliser nos salariés par des perspectives d'évolution plus longues et des activités renouvelées (vaccination, dépistage, entretiens…), ces nouvelles missions qui répondent aux aspirations des jeunes diplômés », poursuit-il. Le président de la FSPF promet ainsi une refonte de la grille salariale, plus en phase avec les réalités de terrain, avant l'été. Le sujet a été évoqué lors de la Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI) du 16 janvier. Il ne fait toutefois pas l'unanimité parmi les syndicats de salariés (voir page 5).
Progression de carrière limitée
Pour l'heure, il semblerait que les titulaires recourent avant tout aux primes pour pallier les inégalités, notamment vis-à-vis des salariés dont le coefficient a été rendu caduque par la poussée des plus jeunes. Ainsi, 23 % des répondants ont versé à leur adjoint une prime Covid pour un montant médian de 500 euros, tandis que 63 % d'entre eux ont recouru à une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), également appelée prime Macron (montant médian de 1 000 euros) ; 17 %, seulement, ont proposé un treizième mois. Côté préparateurs, ces taux sont quasi équivalents à l'exception de la prime Macron, versée par 71 % des titulaires.
Des solutions qui, si elles ont le mérite d'exister, ne sont en rien pérennes et soulèvent la question de leur reconduction dans un contexte de décrue des activités Covid. Cette politique salariale sera-t-elle adaptée demain pour répondre aux défis que rencontre déjà l'officine ? Pas si sûr. Les titulaires, eux-mêmes, admettent pour la moitié d'entre eux que « les salaires peu attractifs » et « la progression de carrière limitée » sont à l'origine de leurs difficultés à recruter.
Car parmi ces titulaires ayant répondu à l'enquête, 83 % peinent à trouver du personnel. Dans 80 % des cas, cette recherche concerne un préparateur, dans 60 % des cas un adjoint. Ces pénuries frappent plus particulièrement le quart nord-ouest et le sud-est du pays pour les adjoints, tandis que le manque de préparateurs sévit principalement dans la moitié nord et en PACA, Ces titulaires à la recherche de personnels désignent la crise sanitaire comme principale responsable de cette pénurie, ainsi que, pour 33 % d'entre eux, « l'exercice en zone défavorisée »,« les conditions de travail contraignantes » et « le peu d'avantages sociaux ». Un titulaire sur deux admet également que la perception dégradée de la profession par les jeunes peut être à l'origine du manque de candidats. Face à ce dernier constat, Philippe Besset promet d'œuvrer en faveur de la réforme de la sixième année et de valoriser la formation initiale, notamment par une différenciation très nette dans la rémunération et les tâches entre les détenteurs d'un BP et les futurs diplômés du DEUST.
Stage de troisième
Reste qu'en termes d'attractivité, la grille salariale n'est pas le meilleur ambassadeur. « Il est stupide de communiquer sur cette grille alors que personne ne la suit. Il y a urgence à donner les montants exacts de rémunération aux jeunes qui se renseignent sur le métier, notamment sur les fiches ONISEP », insiste le président de la FSPF. Convaincu de pouvoir susciter des vocations dès le collège, Philippe Besset annonce la création d'un kit destiné aux titulaires qui voudront accueillir des scolaires dans le cadre du stage de troisième, première expérience dans le monde du travail. « Nous allons leur transmettre des idées de ce qu'ils pourront proposer et communiquer afin de donner envie aux jeunes de venir travailler en officine », décrit-il.
Invité à chiffrer les besoins réels des pharmacies en personnels, le président du syndicat réserve toutefois sa réponse. Certes, rappelle-t-il, les officines ont réalisé 55 millions de TAG, 10 millions de vaccins Covid et 5 millions de vaccins grippe en 2022, soit un total de 70 millions d'actes ou de 7 000 équivalents temps plein. Pour autant, peut-on présager qu'autant de postes supplémentaires seront nécessaires de manière durable ? Réponse en juin, à l'aune de l'activité mesurée durant les six premiers mois de cette année.
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