L’arrivée d’un troisième vaccin autorisé en Europe a été unanimement saluée. D’une part, comme pour les deux premiers homologués, sa vitesse de développement a été un exploit scientifique et industriel. D’autre part, son taux d’efficacité moyen de 70 %, bien qu’inférieur aux taux exceptionnels dépassant les 90 % annoncés pour les deux vaccins à ARNm, reste bien plus élevé que l’exigence de base (50 %) de l’OMS. Surtout, sa conservation à une température comprise entre +2 °C et +8 °C facilite grandement la logistique et sa conception plus classique permet aussi de le proposer à un prix bien plus bas que celui de ses concurrents. D’autant qu’AstraZeneca s’est engagé à le fournir à prix coûtant durant la pandémie. Malgré ces nombreux avantages, les critiques se sont accumulées depuis son autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle en Europe.
• Manque de données robustes chez les personnes âgées
L’Agence européenne du médicament (EMA) a donné son feu vert le 29 janvier dernier à l’utilisation de ce vaccin chez toute personne de 18 et plus. Soulignant que les essais cliniques avaient majoritairement porté sur les 18-55 ans et que les données étaient insuffisantes pour déterminer le taux d’efficacité chez les plus âgés (13 % des effectifs), elle a néanmoins indiqué qu’elle s’attendait à ce que le vaccin « apporte une protection pour cette population d’après les résultats obtenus dans les essais cliniques » et que les données de sécurité étaient rassurantes pour l’ensemble des volontaires. Les autorités sanitaires de chaque pays ont ensuite déterminé sa place dans la stratégie vaccinale adoptée. Dans l’attente de données plus robustes chez les personnes âgées, un certain nombre de pays (France, Allemagne, Suède, Norvège, Islande, Danemark, Pays-Bas, Grèce) ont décidé de le réserver aux moins de 65 ans, voire aux moins de 55 ans (Italie, Espagne, Roumanie). Les résultats d’une étude américaine incluant un grand nombre de personnes âgées sont attendus courant mars.
• Capacité d’échappement du variant sud-africain
Une étude de l'université du Witwatersrand à Johannesburg affirme que le vaccin d’AstraZeneca est efficace à seulement 22 % contre les formes modérées du variant sud-africain chez les jeunes adultes (âge moyen de 31 chez 2 000 volontaires). Et que le vaccin ne protégerait pas contre ce variant. Des résultats qui ont incité l’Afrique du Sud à suspendre sa campagne de vaccination le 7 février, puis à proposer le million de doses déjà reçu à l’Union africaine. Des décisions qui ont poussé l’Organisation mondiale de la santé à s’exprimer, soulignant que l’étude sud-africaine s’appuyait sur « un échantillon ne permettant pas d'évaluer spécifiquement son efficacité ». L’OMS recommande son utilisation, y compris dans les pays où des variants sont présents, et l’a homologué le 15 février pour une utilisation d’urgence.
En France, le Pr Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, s’est aussi montré rassurant, affirmant qu’il ne s’agit « pas d’un vaccin de seconde zone » et qu’il offre un très bon taux de protection. Face au variant sud-africain, il explique que « ce n'est pas que le vaccin AstraZeneca soit moins bon, mais le vaccin à ARNm, permet d'avoir une immunité un petit peu plus vite ». C'est pourquoi il préconise d’utiliser les vaccins à ARNm chez les professionnels de santé « en Moselle et à Mayotte », où une nette augmentation « de la prévalence du variant 501Y.V2 » a été détectée, « associée à une incidence élevée des cas de Covid-19 ».
• Effets secondaires
L'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM), qui a mis sur pied une surveillance renforcée des vaccins contre le Covid-19, a confirmé vendredi dernier le « signal potentiel identifié avec le vaccin AstraZeneca, le 11 février, de syndromes pseudo-grippaux souvent de forte intensité (fièvre élevée, courbatures, maux de tête) survenus chez les professionnels de santé des établissements de santé ». Au 16 février, 363 cas ont été déclarés, majoritairement chez des personnes de moins de 50 ans (âge moyen de 31 ans). Ces effets secondaires, « en cours d'évaluation au niveau européen », ne remettent pas en cause « le rapport bénéfice-risque du vaccin ». Elle renouvelle sa recommandation aux établissements de santé de « vacciner de façon échelonnée le personnel d’un même service, pour limiter le risque de perturbation du fonctionnement des services de soins » et d’utiliser du paracétamol en cas de douleurs et/ou fièvre (voir également en page 10).
De son côté, le Pr Fischer avance deux hypothèses : une réaction plus importante chez les sujets jeunes, particulièrement immunocompétents, qui pourrait aussi être une réalité avec les vaccins à ARNm lorsqu’ils seront administrés à des populations moins âgées ; des symptômes qui pourraient concerner des personnes précédemment infectées par le Covid-19.
• Réticences de soignants et pharmaciens en attente
Malgré les messages rassurants des autorités sanitaires, des soignants restent réticents à se faire vacciner et à vacciner avec la formule d’AstraZeneca. Une réalité non seulement française mais aussi allemande, autrichienne, bulgare ou italienne… Les médecins libéraux, qui devaient s’inscrire pour obtenir un flacon de 10 doses dès la première semaine de vaccination, sont finalement moins de 30 000 à avoir fait la démarche. Jacques Battistoni, président de MG France, qui s’exprimait vendredi dernier lors d’un débat avec Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), organisé par « Le Généraliste » (voir page 4), reconnaît qu'il existe une certaine réticence mais reste optimiste. « Je crois que tout ça va bouger, à mesure que l'on va commencer à vacciner et que l'on va se rendre compte que les effets secondaires ne sont pas si fréquents, que le confrère d'à côté le fait et que ça se passe bien. »
Face à ces hésitations, les pharmaciens fulminent de n’être toujours pas autorisés à vacciner. Car ce sont 250 000 doses qui ne vont pas être distribuées faute de vaccinateurs en nombre suffisant… des doses qui auraient pu être administrées par les officinaux. Le ministère de la Santé a indiqué la semaine dernière que la vaccination en ville allait bien commencer le 25 février dans les cabinets médicaux, mais avec 550 000 doses au lieu des 780 000 prévues, à la suite d’une « réallocation » des volumes sur les semaines suivantes.
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