Un peu plus de 800 CPTS couvrent actuellement 50 % du territoire. Alors que s’achève aujourd’hui le tour de France des CPTS entamé en mars dernier par Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, la proposition de loi « visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé » termine ce jeudi 15 juin son examen en première lecture à l’Assemblée nationale. Au centre de ce texte : le rattachement automatique des professionnels de santé à la CPTS de leur territoire tout en les laissant libres de se désengager s’ils le souhaitent. Le but, explique Frédéric Valletoux, est « d’en améliorer la représentativité ». Car aujourd’hui, « les CPTS qui fonctionnent emmènent 20 à 25 % des soignants de leur territoire » mais le député Horizons espère atteindre les 70 à 80 % avec cette mesure.
L’intérêt des CPTS ne fait aucun doute pour Éric Myon, président de la CPTS Paris 8 qui a vu le jour en 2019. Ne serait-ce que dans sa construction, lorsque toutes les données propres à la population couverte ont été dévoilées de façon à bâtir des projets adaptés aux besoins de cet arrondissement aux contrastes importants. Avec ses 36 000 habitants, mais aussi ses 240 000 salariés et son flux de 400 000 personnes par jour en raison de la proximité de la gare Saint-Lazare, c’est un arrondissement de passage. « Preuve que nous intervenons au-delà des seuls habitants, nous avons réalisé plus de 80 000 vaccinations contre le Covid. »
Parcours de soins
Les découvertes d’Éric Myon ne s’arrêtent pas là. « Nous avons deux fois plus de population sans médecin traitant que la moyenne nationale. Pourtant, selon les données fournies par l’assurance-maladie, nous avons plus de 560 médecins sur le territoire dont 140 médecins généralistes. Mais après les avoir tous appelés, entre ceux qui ne font que de la médecine esthétique, ceux qui sont décédés ou retraités et ceux qui ne répondent pas, nous comptabilisons 45 médecins généralistes - dont 21 en secteur 1, 19 en secteur 2, 5 non conventionnés - et 61 % d'entre eux ont plus de 60 ans. » Des contacts néanmoins fructueux puisque tous ont accepté d’agrandir leur patientèle en fonction des besoins. C’est la coordinatrice de la CPTS et infirmière en pratique avancée (IPA), Myriam Sarah Hassani, qui joue les intermédiaires, avec succès. « En 2022, 100 % des patients qui en ont fait la demande ont trouvé un médecin traitant. »
Les données de l’assurance-maladie ont par ailleurs pointé le diabète, les affections coronaires et les pathologies psychiatriques parmi les affections de longue durée (ALD) les plus fréquentes dans le 8e arrondissement parisien. Deux parcours de soins ont donc vu le jour. « Les patients diabétiques qui veulent mieux maîtriser leur pathologie peuvent faire un bilan avec l’infirmière coordinatrice qui, en fonction des résultats, leur propose un accès vers un kinésithérapeute proposant de l’activité physique adaptée (APA) ou vers un psychologue clinicien, ou encore vers un nutritionniste. La CPTS suit le parcours de ces patients pendant 4 à 6 mois, ce que nous avons fait pour 11 patients en 2022 et nous comptons 15 patients inscrits en 2023. »
Le second parcours s’appuie sur des études qui ont démontré la corrélation entre les atteintes psychologiques et la fragilité cardiovasculaire. « En accord avec le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences (GHU), nous avons mis en place une évaluation de l’ensemble de ses patients de façon qu’ils puissent bénéficier d’un bilan cardiovasculaire complet et si nécessaire d’un suivi. À ce stade nous avons pu suivre huit patients et les résultats effarants de ces bilans nous montrent que ce parcours est absolument nécessaire et vital », poursuit Éric Myon. Un autre parcours, autour de la périnatalité, est en construction grâce à l’investissement de deux aides-soignantes. Le but ? Réduire la mortalité infantile qui atteint 4,8 pour 1000 dans l’arrondissement et suppléer à la fermeture du centre de protection maternelle infantile (PMI) trois ans plus tôt.
Dispensation protocolisée
À quelques kilomètres de là, dans le 13e arrondissement, le protocole cystite est lui aussi bien rodé au sein de certaines pharmacies de la CPTS. Au grand soulagement d'une patiente qui se présente avec des brûlures mictionnelles. En quelques minutes, la bandelette vire au mauve foncé. Grâce au formulaire élaboré par le médecin de santé publique de la CPTS sur la base des recommandations de la HAS, revu par les pharmaciens, l'adjointe de la pharmacie Bihr lui délivre de la fosfomycine. En cas de douleurs persistantes, la quadragénaire est invitée à consulter l'un des cinq médecins délégants de la CPTS. Selon Christine Bihr, la coopération qui s'est instaurée entre pharmaciens et médecins de la CPTS évite l'automédication. Car les multiples boîtes prescrites à l'avance par des médecins à la main leste sont un secret de polichinelle. Autre avantage de ce protocole : le pharmacien est rémunéré par la CPTS à hauteur de 18 euros (matériel compris), tandis que le médecin délégant perçoit 7 euros.
Mais le protocole cystite n'est qu'une facette de ces prises en charge rendues possibles par la CPTS. « Dès 2016, nous avons introduit l'entretien sevrage tabagique et la délivrance des substituts nicotiniques par le pharmacien. Ou encore le prêt de tensiomètres aux pharmaciens initié par la CPTS. Nous avons pu remettre ces appareils de mesures aux patients dès lors qu'ils détenaient une prescription médicale », se souvient Christine Bihr, émettant le souhait de remettre cette opération au goût du jour « en la doublant de bilans partagés de médication ». De même, la titulaire compte sur sa force de persuasion pour que le TROD angine, jusqu'à présent refusé par la CPTS, entre dans un protocole d'ici à la fin de l'année, « au regard des résultats obtenus individuellement par les pharmaciens ».
Prévention et dépistage
Parmi les autres missions prises à bras-le-corps par la CPTS du 8e, la dispensation protocolisée pour la cystite et l’angine ouverte aux CPTS l’été dernier a été mise en place en un temps record. Le secret ? Les pharmaciens ont été formés par les médecins de la CPTS, ces derniers s’assurant d’une « délégation parfaitement sécurisée » et s’engageant à être facilement joignables si la réponse au patient doit être adaptée. « Je l’ai vécu avec une maman qui amenait ses deux fils malades, raconte Éric Myon. J’ai testé le plus grand avec un TROD angine qui s’est révélé positif, j’ai appelé le médecin pour savoir quoi faire pour le petit de 4 ans, car la réalisation de ce TROD se fait à partir de 6 ans. Le médecin m’a demandé de faire le dépistage, on a pu s’organiser et avoir une réaction immédiate à un besoin de santé simple. » Résultat : en 9 mois, plus de 500 consultations ont pu être évitées.
Les campagnes de prévention et de dépistage ont aussi été améliorées. Celle touchant au diabète par exemple permet aux pharmaciens de mesurer la glycémie capillaire et d’orienter au besoin vers un médecin. « C’est bien mais insuffisant, estime Éric Myon. Désormais, nous avons quelques médecins généralistes et spécialistes de la CPTS qui gardent des créneaux ouverts pendant la campagne, ce qui nous permet d’orienter le patient directement vers eux si nécessaire et s’ils n’ont pas de médecin traitant. » Une stratégie appliquée également le 1er décembre pour le dépistage du VIH. « D’une part, nous avions la présence d’un “trodeur” de l’association AIDES, habitué à aborder des questions comme les pratiques à risque et à accompagner un jeune public. D’autre part, trois médecins s’étaient engagés à recevoir dans la journée toute personne dont le TROD se serait révélé positif, ce qui ne s’est pas produit. »
Soigner les soignants
Ce ne sont donc pas les idées qui manquent pour créer ou améliorer les parcours de soins (lire en page 11). Jusqu'à prendre en charge le bien-être des professionnels de santé. C'est le cas dans la CPTS de Saint-Amand-les-Eaux, dans les Hauts-de-France, une région qui dénombre 59 CPTS couvrant 80 % de la population. Ses adhérents se sont saisis des questions du burn-out des soignants et de la violence dont ils sont victimes, deux sujets relevant autant de l'actualité que de la pérennité de l'accès aux soins. Sur ce dernier volet, pour assurer la relève dans des territoires stigmatisés, une coopération entre les CPTS de Liévin-Lens, Boulogne-sur-Mer et Maubeuge, ainsi que l'unité de formation et de recherche des sciences de santé et du sport (UFR3S) de l'université de Lille, a permis à des étudiants en pharmacie, en médecine et en odontologie de battre en brèche leurs idées reçues.
De son côté, la CPTS Paris 8 construit une étude, ASTRE (adaptabilité au stress), qui sera lancée début septembre et vise à évaluer la gestion du stress par les professionnels de santé, avec l’objectif de les inclure dans un parcours de soins de six mois. « C’est une approche de la santé intégrative et holistique, avec un travail autour de la cohérence cardiaque, la nutrition, le sport, le sommeil, l’activité physique adaptée… L’objectif est de les aider à retrouver du temps pour eux : moins de stress et plus de plaisir à travailler ensemble. » Une fin en soi qui mériterait de devenir l’objectif premier de tout exercice coordonné.
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