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Escapade urbaine en Champagne : à Troyes, vitraux et arts pluriels

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Publié le 16/12/2022
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Le 17 décembre, la ville célèbre l’ouverture de la Cité du Vitrail, exposition permanente d’œuvres d’art dont le territoire fut jadis le maître incontesté. À 2 h 15 de Paris, c’est l’occasion d’un joli city break dans cette cité médiévale, culturelle et gastronome.

Le Canal de la Haute-Seine et la Cité du Vitrail

Le Canal de la Haute-Seine et la Cité du Vitrail
Crédit photo : PHILIPPE BOURGET

Elle était attendue, voilà qu’elle ouvre enfin. Après quatre années de rénovation de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, vaste bâtisse du XVIIIe posée au bord du canal de la Haute-Seine, à vocation hospitalière jusqu'au milieu du XXe siècle, la Cité du Vitrail se révèle au grand public dans un écrin restauré. Sur près de 3 000 m², les visiteurs sont invités à découvrir une collection de vitraux uniques, dont les plus monumentaux sont exposés dans la chapelle. Le site met en scène les techniques propres à cet art et s’affiche comme un pôle d’études et de recherche. Troyes n’abrite pas ce musée par hasard. Célèbre dès le Moyen Âge pour ses foires de Champagne, la ville a longtemps drainé marchands et artistes. L’art du vitrail s’y est imposé, notamment aux âges d’or des XVI et XIXes. L’Aube est le premier département français en nombre de vitraux. La « Cité » abrite également une apothicairerie remarquable et invite ensuite le visiteur à parcourir le territoire et ses 350 églises et édifices publics abritant des vitraux.

Troyes fut donc prospère. Tout dans son patrimoine le montre, et notamment son centre ancien. Écrin de la ville, idéalement située entre la Méditerranée et les Flandres à l’époque des vieux échanges commerciaux, il compte près de 3 000 maisons à colombages, rebâties au XVIe après un gigantesque incendie. Les plus belles sont à voir dans la très commerçante rue Zola ainsi que rue Champeaux, où trônent les « maisons » du boulanger et de l’orfèvre. On admirera aussi les enseignes en ferronnerie qui ajoutent au cachet et quelques bâtisses plus nobles, comme l’hôtel particulier Juvénal des Ursins.

Dans le « bouchon », nom donné au centre-ville à cause de sa forme en bouchon de champagne (la « tête » pour le quartier de la Cité, son Hôtel-Dieu et sa cathédrale, le « corps » pour le centre médiéval), plusieurs sites méritent l’attention. Pour rester dans la veine artistique et intellectuelle, cap sur l’église Sainte-Madeleine. Encore des vitraux ! Datant du XVIe, ils sont exceptionnels. L’édifice abrite aussi un splendide jubé de pierre du même siècle, tout en dentelle sculptée. L’art manuel est décidément une spécialité de la ville. Pour preuve, rue de La Trinité, la MOPO, la Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière. Fondée en 1974 par les Compagnons du Devoir dans un hôtel particulier, elle accueille 12 000 outils à main des XVII, XVIII et XIXes, qui rappellent les gestes de l’artisan du cuir, du drapier, du bonnetier… La MOPO abrite aussi la deuxième plus grande bibliothèque technique de France, avec 32 000 ouvrages.

L’art, ce sont aussi les livres et la pensée. La Maison Rachi, rue Brunneval, en est un haut lieu. L’affaire remonte au XIe, lorsque le savant Rachi fonde à Troyes une école talmudique. Elle illustre à l’époque l’importance de la communauté juive. Dix siècles après, la pensée hébraïque a toujours droit de cité. Derrière ses pans de bois, la Maison Rachi abrite une synagogue et des salles d’études. En face, l’Institut universitaire européen Rachi dispense cours, séminaires et conférences sur la culture juive. À quelques pas de là, autre lieu de culture : la Médiathèque Jacques Chirac. Derrière son auvent design, la bâtisse offre ses salles de lecture et dévoile une vaste salle du patrimoine abritant près de 50 000 livres, le 2e fonds français de belles-lettres, histoire religieuse, théologie, droit, sciences et art du XVIe au XIXe.

Une telle profusion intellectuelle et artistique a pu ouvrir l’appétit. Direction le marché des Halles, ventre gourmand de Troyes. Déployé sous une halle Baltard, rénovée dans les années 1980, il rassemble les habituels étals célébrant les trésors de bouche locaux et bat son plein le samedi. Ne pas manquer notamment, de l’autre côté de la rue du Général de Gaulle, la charcuterie Maury, antre de la célèbre andouillette de Troyes.

La visite de la « tête du bouchon » réserve aussi des surprises. Passés les quais du canal de la Haute-Seine, en partie rendus aux piétons et hôtes de sculptures contemporaines, voici la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Exemple caractéristique du courant gothique, elle impose ses 114 m de long et 50 m de large dans le quartier de la Cité. Derrière ses trois portails remarquables, elle cache 1 500 m² de vitraux, décidément un fil rouge dans la ville ! À côté de la cathédrale, un dernier lieu mérite d’autant mieux l’attention qu’il rouvre en fin d’année : le MAM, ou Musée d’Art Moderne. Déployé dans l’ancien palais épiscopal, il abrite la collection Pierre Lévy, du nom de cet industriel local qui a fait don de 2 000 pièces exceptionnelles à la ville. Des Matisse, Courbet, Modigliani, Dufy et Picasso y sont présentés, de même que des Derain et des Marinot, grand maître-verrier troyen. Le musée rouvre le 27 décembre quelques pièces couvrant la période de la fin du XIXe aux années 1920. La présentation complète de la collection est prévue courant 2023.

Philippe Bourget
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Source : Le Quotidien du Pharmacien