Le Quotidien du pharmacien.- Faut-il voir le développement des tests à l’officine comme une concurrence ou une complémentarité avec la biologie médicale ?
Philippe Piet. La notion de concurrence n’existe pas en santé publique. C’est l’intérêt général qui domine. Les laboratoires d’analyse de biologie médicale (LBM) sont et restent l’endroit ad hoc pour le dépistage et l’aide au diagnostic. Les biologistes médicaux, pharmaciens ou médecins, sont formés à cet acte pendant 4 ans après le concours de l’internat. Ils en maîtrisent tout le processus et tous les aspects, médical et technique. En outre, 98 % de la population est à moins de 20 minutes d’un LBM ce qui signifie que la biologie médicale est accessible. Pour répondre à certaines difficultés de prise en charge, il a été décidé de confier, moyennant des logigrammes décisionnels, certaines de ces tâches à d’autres professionnels de santé en oubliant étonnamment d’utiliser la ressource idoine que sont les sites de laboratoire.
Bruno Maleine. Il n’est pas question et il ne sera jamais question qu’un pharmacien d’officine se réclame biologiste. En revanche, la réalisation des TROD à l’officine est une réponse à un besoin de prise en charge dans un parcours de soins de plus en plus complexe. C’est aussi une façon de nous adapter à des patients qui ont fondamentalement changé, qui veulent être acteurs de leur prise en charge. Dans ce système, l’orientation diagnostique est une alternative, avec ses limites. Il ne s’agit pas de faire prendre un risque au patient, au contraire. Un bon professionnel connaît ses limites et saura orienter vers une consultation médicale ou un examen en laboratoire lorsque la situation l’impose.
P.P. J’ajoute qu’il faut redonner du sens médical au test, TROD ou autotest. Le seul résultat d’un test ne traduit pas la présence ou l’absence d’une pathologie. Mal appréhendé, ce résultat peut devenir contre-productif.
Le déploiement des TROD à l’officine peut-il rapprocher les officinaux des biologistes ?
B. M. Pendant la crise sanitaire, j’ai redécouvert le métier de biologiste. Alors que je recevais une multitude de propositions commerciales pour des autotests Covid, je n’ai pas hésité à prendre conseil auprès d’un confrère biologiste. C’est d’ailleurs lui qui, par la suite, m’a formé au geste de prélèvement. Récemment, je l’ai à nouveau sollicité au sujet du dépistage de la coqueluche. À une époque où l’interprofessionnalité est le mot d’ordre, il est naturel de nous rapprocher entre pharmaciens, d’autant plus que nous avons une histoire commune.
P.P. Étant donné la nécessaire gestion du rapport bénéfice/risque, ce rapprochement est même un devoir. L’état actuel de l’offre de soins impose de pratiquer une politique du mieux : mieux collaborer et de façon intelligente, mieux comprendre les problématiques des uns et des autres et mieux nous soutenir dans nos pratiques professionnelles respectives.