Comme d’autres professionnels de santé, nous observons quotidiennement le mal-être de nos concitoyens : fatigue, angoisse, stress, voire épuisement, s’exprimant parfois sur le mode de l’agressivité. Nous compatissons avec l’attention et la disponibilité nécessaires, jusqu’à « encaisser » quand le ton monte…
Il est vrai que cet état préexistait. Bien sûr la crise sanitaire n’a rien arrangé, puisque la solitude ou la promiscuité contraintes, l’ample recours au télétravail, les peurs d’être contaminé(e)s comme d’être licencié(e)s… participent de la dégradation de l’élan vital et des relations humaines.
Si certains expliquent ces plaintes par le cumul de contraintes de toutes sortes qui pèsent sur les individus et les privent de trouver du sens à leur vie et de l’optimisme, d’autres font l’hypothèse que nos contemporains s’imposent des exigences de perfection et de performance. Dans ce contexte, l’affirmation d’une telle souffrance « existentielle » - qui semble atteindre n’importe qui – en arrive à s’exprimer sous la forme de besoins de sommeil, de repos, de fuite.
La crise du Covid-19 a révélé combien dans un tel climat, les offres les plus diverses en matière de santé sont devenues pour de nombreux concitoyens un recours essentiel pour arriver à tenir le coup. Il y a un an, les questions concernant les médicaments éventuellement utiles pour prévenir ou lutter contre ce virus revenaient sans cesse. Les premiers vaccins étant mis au point, les interrogations se portaient sur leur composition, les conditions de leur évaluation et leurs éventuels effets secondaires… Aujourd’hui il s’agit de l’approvisionnement : va-t-on pouvoir en profiter ? Et quand ? Y en aura-t-il assez ? Les médias n’arrangeant rien à l’affaire en s’emparant de prises de parole parfois intempestives, l’empressement pour obtenir des réponses de la part de professionnels avisés signe d’autant le degré élevé d’inquiétude générale.
Aujourd’hui notre profession est plus que jamais impliquée dans la gestion de cette crise, et c’est tant mieux. Notre rôle de soignant n’en est que plus important pour écouter, informer, expliquer, mais aussi démentir tant de contre-vérités. Face au scepticisme ambiant, ne s’agit-il pas de rappeler, avec patience, avant tout le recours au bon sens, distiller des informations qui relèvent de la raison scientifique, et argumenter à partir d’évaluations rigoureuses. Souhaitons que notre profession, par son exemplarité, réponde à cette exigence de rigueur scientifique et d’esprit critique, afin de battre en brèche ces raisonnements trop simplistes ou ces thèses partisanes qui alimentent tant de réseaux sociaux. N’est-il pas de notre responsabilité de transmettre la culture humaine et scientifique qui nous a formés et nous a si souvent réjouis.