Les chercheurs se sont appuyés sur les données de l’enquête Escapad* menée en 2017 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), auprès de près de 40 000 jeunes de 17 ans. Si elle révèle une tendance à la baisse des consommations de produits psychoactifs, encore 25 % des jeunes de 17 ans se présentent comme fumeurs quotidiens (contre un tiers en 2014), 16 % disent avoir connu au moins trois épisodes d’alcoolisation ponctuelle intensive (API : consommation d’au moins 5 verres en une occasion) au cours des 30 derniers jours et 7 % déclarent fumer régulièrement du cannabis (au moins 10 consommations au cours des 30 derniers jours).
Familles monoparentales ou recomposées
Les adolescents vivant dans des familles monoparentales ou recomposées semblent plus fréquemment que les autres sujets à des consommations à risque, en particulier tabac et cannabis. Dans l’enquête, quelque 57 % des participants vivaient avec leurs deux parents, 15 % avec leur mère, 9 % dans une famille recomposée, 6 % étaient en garde alternée, et 4 % avec leur père.
Si l’on prend comme référence les adolescents vivant avec leurs deux parents, ceux qui vivent dans d’autres configurations familiales déclarent plus souvent consommer régulièrement du cannabis (la prévalence est plus de deux fois celle des cellules familiales standard). Sont notamment concernés ceux qui vivent uniquement avec leur père (avec un ratio de 2,31), tandis que les jeunes en garde partagée semblent un peu plus épargnés (1,81).
Quant au tabagisme, les auteurs constatent une association similaire mais moins forte : le risque d’en consommer serait plus élevé (de l’ordre de 1,78 ou 1,69 fois plus) lorsque le jeune vit uniquement avec son père ou avec un beau-parent, et dans une moindre mesure avec la mère ou en garde partagée (ratio de 1,50), qu’avec ses deux parents.
Enfin, pour ce qui est de la déclaration d’au moins trois épisodes d’alcoolisation ponctuelle intensive (API), l’augmentation est plus faible, les écarts par rapport aux cellules familiales classiques sont encore plus réduits, en particulier pour les enfants résidant uniquement avec leur mère (ratio de 1,11).
Influence moindre du milieu social
Les associations entre consommation de toxiques et milieu social sont plus faibles qu’avec la configuration familiale, voire nulle quant à la consommation de cannabis. Néanmoins, les chercheurs retrouvent un tabagisme plus fréquent dans un milieu moins favorisé, et du binge drinking plus courant dans les familles aisées.
Les chercheurs nuancent. Il ne s’agit pas de prendre ces associations pour des liens de causalité entre la rupture parentale et les consommations d’alcool et de drogues des adolescents. « On peut en effet envisager que la consommation ait précédé le changement de configuration familiale, comme moyen pour l’adolescent de faire face aux conflits et au stress préalables, ou encore que, dans la nouvelle configuration, la surveillance parentale soit simplement moins étroite, favorisant les opportunités de consommer », lit-on.
En outre, configuration et milieu social sont interdépendants de plusieurs manières : des différences dans le risque de divorce existent selon le milieu social et une rupture familiale a des conséquences sur la situation économique du ménage. Les chercheurs appellent in fine à mieux adapter les politiques publiques de prévention aux spécificités de l’adolescence, en prenant en compte le fonctionnement de la cellule familiale.
* Enquête sur la santé et les consommateurs lors de l’appel de préparation à la défense (Escapad) mis en œuvre depuis 2000 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) pour suivre la consommation de substances psychoactives des adolescents en France.