Ce travail a été mené par les chercheurs de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP, AP-HP), de l’INSERM et de l'université de Paris, en collaboration avec la Société française de cardiologie.
« Nos résultats s'intègrent dans un faisceau d'arguments en faveur de la mise en place précoce d'une anticoagulation, mais nous devons attendre les résultats définitifs d'essais cliniques randomisés avant d'envisager de changer les pratiques, indique au « Quotidien » le Pr David Smadja, du service d’hématologie de l'HEGP et responsable de l'étude. Les premiers résultats de grands essais américain et anglais semblent aller en ce sens. »
Au total, 2 848 patients pris en charge pour Covid au sein de services de médecine de 24 hôpitaux français entre le 26 février et le 20 avril 2020 ont été inclus dans l'étude. Parmi eux, 382 (13,2 %) étaient traités par anticoagulation (à dose curative) avant l'infection Covid. Par rapport aux autres patients, ces derniers étaient associés à un meilleur pronostic (HR ajusté de 0,70 ; IC à 95 % 0,55-0,88).
« Ces patients ont reçu une anticoagulation selon les indications classiques : fibrillation atriale, maladie thromboembolique veineuse…, note l'hématologue. Ce sont des patients pour qui, au vu des comorbidités importantes, nous aurions pu nous attendre à un pourcentage de formes graves plus importantes que la moyenne, ce qui n’a pas été le cas. »
Cette tendance a été confirmée par des analyses effectuées avec la méthode du score de propension (permettant d'apparier statistiquement les patients ayant des profils similaires). Chez les patients ayant reçu l'anticoagulation avant l'hospitalisation, le risque d'admission en soins intensifs était réduit (HR ajusté de 0,43 ; IC à 95 % 0,29-0,63), tout comme les critères composites associant admission en soins intensifs et/ou décès (HR ajusté de 0,76 ; IC à 95 % 0,61-0,98).
Bloquer précocement la microthrombose
Ces résultats suggèrent ainsi un effet protecteur d'une anticoagulation précoce, tandis qu'une anticoagulation mise en route au cours de l'hospitalisation ne semble pas apporter de bénéfice en termes de pronostic dans cette population, et ce quelle que soit la dose employée (faible à visée préventive, élevée à visée curative ou bien intermédiaire).
« Le Covid est une maladie vasculaire et la microthrombose est un phénomène important. Le fait d'anticoaguler précocement les malades pourrait permettre de bloquer cette microthrombose et la coagulopathie liées au Covid à des stades modérés de la maladie, avant l'installation d'une forme grave », résume le Pr Smadja.
Et de préciser que « la prise en charge va certainement tendre vers des doses importantes pour les patients présentant des formes modérées et rester sur des doses préventives pour les formes plus graves ». Selon l'hématologue, des études sont par ailleurs en cours pour évaluer le risque hémorragique.