Le gouvernement est prêt à augmenter l'indice des fonctionnaires, à accorder l'autonomie à la Corse, à payer une partie de la facture énergétique, sans toutefois retomber dans le « quoi qu'il en coûte », lequel lui avait permis de relancer l'économie à la fin du confinement. Poussée dans ses retranchements, démoralisée par des sondages qui confirment, à quelques semaines des élections, la suprématie du président sortant, l'opposition a du mal à l'attaquer pour des mesures qu'elle présente comme inefficaces ou insuffisantes, mais dont elle ne jure pas qu'elle ne les aurait pas prises.
Par la voix de Gérard Larcher, président du Sénat, elle a même trouvé un stratagème : la critique valable aujourd'hui et dans l'avenir, l'épée de Damoclès qui pèse sur la tête d'un président décidément insupportable, l'absence de légitimité dont il serait frappé s'il ne cédait aux multiples injonctions qui exigent de lui qu'il participe aux débats publics. Autrement dit, même s'il gagne, il perd. La volonté populaire serait moins décisive que la faute commise. S'il faut épargner M. Larcher, on ne dira pas qu'il est le principal bénéficiaire de son analyse qui, d'ailleurs, n'a pas remporté le succès escompté. En effet, en tant que président du Sénat, il est le deuxième personnage de l'État et peut donc prétendre à remplacer M. Macron au pied levé, si, par malheur, le candidat réélu perdait sa légitimité.
Voilà comment, perdu dans une logique que ne soutient aucun argument convaincant, peu soucieux de maquiller son stratagème, et peu scrupuleux de protéger les institutions alors qu'il en a la charge, M. Larcher prend une option sur l'avenir qui lui ouvrirait les portes de l'Élysée sans même qu'il ait à présenter sa candidature. On est plus dans un développement du grotesque, d'autant plus ridicule que l'épidémie de Covid ou la guerre en Ukraine ne sont pas des films de Disney, que dans la réflexion politique ou l'intérêt général. Que cet homme suggère d'apporter plus de chaos à une situation chaotique montre les limites de son envergure.
Foire d'empoigne
M. Macron lutte contre la crise du pouvoir d'achat par des mesures que d'autres jugent électoralistes, accusation plausible mais invérifiable, mais de toute façon il n'a pas le choix. Qu'il projette ses décisions au-delà de son mandat laisse entendre, bien sûr, qu'il sera réélu, mais son successeur pourra toujours proposer un autre plan s'il a battu M. Macron. Il n'y a pas là de quoi fouetter un chat, sinon que les esprits n'ont jamais été chauffés à blanc comme aujourd'hui, que Mme Pécresse, brillant espoir des Républicains, descend dans les sondages et que l'affreux, l'inconcevable résultat de cette foire d'empoigne qu'aura été la campagne ruinera très vraisemblablement les projets de la droite et de la gauche.
On continuera à dire pis que pendre d'Emmanuel Macron, mais il est le seul, avec sa République en marche, à avoir, jusquà présent érigé un mur contre l'énorme menace des trois extrêmes, Le Pen, Zemmour et Mélenchon. Et s'il est le seul, c'est parce qu'il n'a jamais cessé de les combattre. Loin de répondre du tac au tac aux critiques, sarcasmes et quolibets de ses opposants, il a gouverné pendant un incessant fracas. Ils étaient tous en train d'aboyer contre lui alors que défilait sa caravane, quand ils auraient été mieux inspirés de dénoncer le danger qui pèse sur la société française : le triomphe éventuel d'une extrême droite ou d'une extrême gauche, toujours promptes, au nom de la déliquescence de notre pays, à démolir tous nos acquis sous le prétexte de nous rendre heureux.
De ce point de vue, Marine Le Pen n'a pas démérité puisqu'elle continue à être applaudie pour une fiction qu'elle nuance à mesure qu'elle en fait le récit et qu'elle semble bien capable, cette fois encore, de figurer au second tour. Bien sûr, Macron ne devrait en faire qu'une bouchée, mais cette année avec un écart moins large qu'en 2017. À part le RN, tous les autres partis, y compris EELV, y compris LFI, et, au premier chef, le PS et LR, devront réfléchir, dans le désarroi, à une refondation de leurs idées et de leurs projets. Ainsi va la vie.