Nettement moins nombreuse que les générations précédentes et nourrie dès son plus jeune âge au numérique, la « génération Z » rassemble les jeunes nés entre 1995 et 2010. Elle assurera la relève des « boomers » nés dans les années 1950 à 1970, mais regarde souvent le monde et l’avenir d’une manière bien différentes de ces derniers. Si 78 % des pharmaciens allemands exercent aujourd’hui en officine, dont un peu plus du quart en tant que titulaires, seulement 17 % des actuels étudiants en pharmacie, y compris les stagiaires de 5e année, souhaitent suivre cette voie, tandis que 33 % d’entre eux l’excluent et que la moitié restante se déclare encore indécise.
Afin de mieux cerner les attentes et les motivations de la « génération Z », l’Association fédérale des pharmaciens allemands, l’ABDA, a organisé un séminaire réunissant des étudiants, des pharmaciens et des sociologues, tout en lançant des enquêtes auprès des futurs pharmaciens. Comme l’a rappelé la sociologue Kathrin Peters, la notion de « génération smartphone » est loin de n’être qu’une image, puisque les effets de l’utilisation intensive de cet outil s’observent même au niveau cérébral. Elle favorise les décisions immédiates, basées sur l’émotion, et raccourcit la durée de l’attention. Les pharmaciens observent déjà ces évolutions avec leurs jeunes stagiaires ou employés : outre le fait que l’omniscience de Google a de réelles conséquences sur leur culture générale « hors ligne », ils semblent moins à l’aise que leurs aînés face aux patients, surtout plus âgés. Comme le résume le président de l’Ordre fédéral des pharmaciens, Thomas Denkert, « les patients et les maladies sont analogiques et non numériques, ce qui finit par poser problème lors des échanges en face-à-face ». Au-delà de cette constatation, qui pourrait à terme impliquer de nouvelles méthodes de formation des étudiants et des jeunes, les enquêtes montrent que les étudiants sont de moins en moins prêts à vivre comme leurs aînés… même s’ils restent plus longtemps qu’eux sous l’influence de leurs parents.
Réclamant une meilleure séparation entre vie familiale et professionnelle, ils attendent aussi plus de travail en équipe et plus de variété. Pour Max Willie Georgi, en stage de 5e année, « la vente ne doit pas être notre seule source de revenus et nous ne voulons pas travailler 40 heures par semaine ou plus ». S’ils suivent l’actualité professionnelle, beaucoup d’étudiants se sentent paradoxalement « découragés » par les discours pessimistes des syndicats. Le poids de la bureaucratie, la montée en puissance des pharmacies en ligne et les incertitudes économiques font partie des éléments qui les dissuadent de s’installer ; à l’inverse, l’autonomie accrue et les revenus sont des aspects incitatifs, même s’ils passent après l’épanouissement personnel.
Face à cette situation, beaucoup de titulaires aimeraient que l’ABDA, qui réunit Ordre et syndicats, se saisisse plus activement de ces questions : elle pourrait proposer aux futurs installés une formation en gestion et en économie et les aider à trouver des « mentors » qui les seconderaient lors de leurs débuts. De même, elle devrait aider les titulaires à préparer leurs recrutements, voire leur succession. Enfin, l’Ordre étant partie prenante dans l’organisation des études pharmaceutiques, il devra travailler avec les instances académiques à une meilleure adaptation des études aux besoins des officines et de officinaux de demain.