Quand Karine arrive devant la pharmacie, elle réalise rapidement qu'un événement inhabituel est en train de se passer. Deux véhicules du SAMU sont stationnés sur le parking. Rapidement, les badauds qui tentent de voir ce qu'il se passe à l'intérieur de l'officine sont dispersés par la pluie. À peine entrée, la jeune apprentie Lou lui saute dessus pour lui expliquer la situation.
- Madame Dupré, il a fait un malaise, le cœur, et l'autre c'est un choc allergique…Lou, calme-toi. Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Qui a fait un malaise ? Quelqu'un de l'équipe ? Un patient ?
- Monsieur André, lâche Lou la voix étranglée par un sanglot.
Dehors, des trombes d'eau se déversent sur la pharmacie.
- On peut pas sortir avec ce déluge ! À moins de tendre une bâche entre l'entrée de la pharmacie et le véhicule. Dis à Christophe de reculer au maximum, ordonne un homme à son coéquipier.
- Il est où l'autre blessé ?, demande un secouriste de la deuxième équipe qui vient d'arriver sur place.
- Ici, venez, l'interpelle Julien en passant la tête en dehors de la salle Pasteur. Il commençait à aller mieux, mais la respiration est encore très difficile.
- Combien d'adrénaline lui avez-vous injectée ?
Julien aperçoit Karine qui s'avance vers l'espace client ; il lui fait un signe pour lui indiquer que tout va bien, puis disparaît dans la salle de confidentialité. La titulaire sent alors une main se poser sur son épaule.
- Jean-Paul ? Mais…
- En synthèse, Monsieur André a été victime d'un infarctus, et Julien s'occupe d'un jeune homme qui a fait un choc anaphylactique. Le médecin du SAMU voudrait te voir.
Jean-Paul emmène Karine ; un homme d'une quarantaine d'années les attend.
- Bonjour. Je suis le docteur Nassouf. Nous allons repartir, dès que l'averse se sera calmée.
Puis, désignant Monsieur André, il ajoute :
- Votre patient est stable. Est-ce que vous savez quel traitement il suit habituellement ?
- De mémoire non. Je sais qu'il a un traitement tous les mois…
Le sang de Karine ne fait qu'un tour. Elle comprend que l'accident cardiovasculaire dont a été victime M. André pourrait être la conséquence d'une inobservance, voire d'une erreur de dispensation.
- Nous pouvons le savoir rapidement. Nous avons l'historique des médicaments délivrés. Venez, ça prendra moins d'une minute.
Arrivée devant le poste le plus proche, Karine consulte l'historique des délivrances.
- Monsieur André a en effet un traitement par aspirine à faible dose, plus un IEC, qu'il est venu chercher la semaine dernière.
- Vous pouvez me l'imprimer ? Soit le traitement cardioprotecteur n'est plus efficace…
-… soit il a arrêté son traitement anti-agrégant pendant le confinement, enchaîne la titulaire.
- C'est monnaie courante en ce moment. Beaucoup de personnes ont pris peur quand on a annoncé que les anti-inflammatoires augmentaient le risque d'infection Covid-19, complète le médecin en prenant les documents que Karine lui tend. En tout cas, merci. Ça nous fait gagner un temps précieux. Et bravo à votre équipe. Ils ont parfaitement géré. Au moins vous, vous ne nous faites pas déplacer pour rien.
En un éclair, la pharmacie se vide, laissant l'équipe perplexe et ne réalisant pas encore ce qu'il vient de se passer.
(À suivre…).