Un mois déjà que les officines castraises sont autorisées à ouvrir le lundi. Pourtant, en ce lundi de mars, la plupart des rideaux restent baissés. Le nouvel arrêté préfectoral autorisant l’ouverture n’a guère modifié l’attitude des officinaux castrais.
Rappel des épisodes précédents. En novembre 2017, la Grande Pharmacie Médiprix, récemment installée sur 1000m² en centre-ville, décide d’ouvrir le lundi. Les 16 autres officines de la ville l’assignent en justice au nom d’un arrêté préfectoral de 1973 interdisant cette ouverture*. La Grande Pharmacie en appelle au public : « nous avons lancé une pétition qui a recueilli près de 10 000 signatures », rappelle sa titulaire, Christine Monino-Clot. Mais le tribunal de grande instance la condamne à fermer sous peine d’une astreinte de 50 000 euros par lundi. Elle reçoit en plus un blâme du Conseil de l’Ordre, mais porte le combat devant le tribunal administratif (elle sera déboutée en janvier 2021).
Argument de santé publique
En décembre dernier, elle saisit une opportunité : « Dans une lettre de la DGS, le ministre de la Santé remerciait les pharmaciens pour leur mobilisation face à la pandémie et dans le dépistage du coronavirus », indique-t-elle. Aussitôt, elle envoie un message à la préfète, expliquant qu’à Castres la mobilisation et les tests ne peuvent se faire le lundi pour cause de fermeture. L’argument santé publique est le bon. Elle est reçue par le sous-préfet et, le 9 février, un arrêté préfectoral autorise pour six mois l’ouverture du lundi**.
Les officines apprennent la nouvelle par la presse : « Cet arrêté a été pris sans aucune concertation par la préfecture qui n’a eu l’avis que d’une seule officine. Et l’aval de la Fédération », souligne Guillaume Dautezac, de la pharmacie Lafayette.
En effet, l’arrêté stipule avoir été pris suite à « l’avis émis le 23 décembre par le syndicat des pharmaciens du Tarn ». « Que vouliez-vous que je dise contre un arrêté pris dans l’intérêt de la santé publique ?, se défend Bernard Champanet, président FSPF du Tarn. La préfecture dit qu’il faut dépister davantage à Castres, on ne peut aller contre… Je pensais l’arrêté de 1973 obsolète, le tribunal en a décidé autrement… Sur place, cela risque d’être la guerre. »
Front du refus
Depuis le 15 février, Christine Monino-Clot ouvre sa Grande Pharmacie chaque lundi, mais la plupart de ses confrères semblent camper sur leurs positions. Ainsi lundi 15 mars, hormis l’officine de garde et la pharmacie Pierre Fabre (l’après-midi pour les tests covid), seule la pharmacie Lafayette ouvre les après-midi et bientôt toute la journée, « le temps de modifier les plannings, précise Guillaume Dautezac… On s’adapte… L’ouverture va sans doute dans le sens de l’histoire ».
L’autorisation préfectorale, valable pour six mois, sera-t-elle renouvelée ? Si la crise sanitaire se poursuit, c’est vraisemblable. Sinon, le vieil arrêté de 1973 pourrait de nouveau s’appliquer. Sauf si plusieurs pharmaciens s’aventurent à ouvrir : « Certains aimeraient, mais ils ne veulent pas le dire devant les autres », indique ce syndicaliste. Pour l’heure, le front du refus ne s’est guère lézardé. On est encore loin de pouvoir dire : À Castres, le lundi c’est pharmacie !
* Pour offrir aux pharmaciens deux jours de repos consécutifs.
** « A compter du 15 février et pour une durée maximale de 6 mois, les pharmacies de la commune de Castres qui le souhaitent pourront ouvrir le lundi toute la journée à titre exceptionnel en vue du déploiement des opérations de dépistage covid-19 dans les meilleurs conditions possibles. »