Les objectifs du bilan partagé de médication (BPM) sont louables : améliorer l’adhésion des patients âgés et/ou polymédiqués à leur traitement, optimiser l’efficacité des médicaments et réduire le risque iatrogène, voire réaliser des économies en évitant des hospitalisations. Et son cadre réglementaire, avec les avenants 12, 19 et 21 à la convention nationale des pharmaciens, est aujourd’hui bien défini.
Pourtant, il peine à se mettre en place. Seulement 13 % des pharmaciens d’officine ont franchi le pas et les patients recrutés sont peu nombreux. À cela plusieurs raisons, bien mises en évidence à travers les réponses à un questionnaire soumis par Julien Gravoulet, pharmacien à Leyr (Meurthe-et-Moselle)** aux participants des 71es e-Journées pharmaceutiques internationale de Paris (JPIP). Celles-ci concordent d’ailleurs avec les résultats d’une enquête de 2019, réalisée par des étudiants stagiaires de 6e année de Nancy et de Reims.
Si tous les pharmaciens pensent avoir un rôle important à jouer pour accompagner les patients âgés et/ou polymédiqués, ils pointent les difficultés qui les empêchent de mettre en place le BPM : manque de temps, activité chronophage, personnel insuffisant, complexité du système, logiciel peu adapté, manque d’information et de formation, rémunération trop faible, espace trop réduit ou inadéquat (pour les entretiens confidentiels), médecins peu réceptifs ou opposés, refus ou manque de motivation des patients.
Compte rendu circonscrit
Les pharmaciens peuvent cependant relever le défi, estime Julien Gravoulet en s’appuyant sur sa propre expérience. « Mais il faut se préparer avant de se lancer et tout d’abord en discuter avec son équipe. C’est une activité valorisante mais qui prend du temps, on peut donc être amené à faire des choix. Ensuite, en parler avec ses confrères médecins. Des bonnes relations sont essentielles, on a tous en mémoire la mauvaise expérience des AVK… Il est important de préciser d’emblée qu’aucune proposition d’optimisation thérapeutique ne sera communiquée au patient sans leur aval. C’est au médecin et à lui seul de décider de les accepter ou de les refuser. »
Il convient aussi de réfléchir à la communication avec les patients. Il s’agit de convaincre sans forcer en mettant au point un argumentaire, le même pour toute l‘équipe (but du BPM, avantages, gratuité, lien avec le médecin, etc.). L’assurance-maladie n’a malheureusement pas été ici d’une grande aide en fournissant seulement un flyer… Indiquer les créneaux horaires les plus appropriés pour les rendez-vous, la durée de ces derniers, prévoir un système de rappel pour éviter les oublis et se fixer un objectif réaliste : surtout ne pas vouloir en faire beaucoup rapidement, mais commencer par des cas simples pour roder la pratique.
Autre difficulté : le compte rendu à adresser au médecin. Pour l’aider dans cette tâche, Julien Gravoulet a opté pour la méthode SOAP qui, en 4 items, permet de résumer des situations complexes : des éléments Subjectifs (ce que le patient a dit) et Objectifs, une Analyse (le cœur de la démarche) et la Planification de deux ou trois actions prioritaires. « Personnellement, j’ai tenu compte des retours des médecins : aujourd’hui, je place un petit résumé en exergue, au début, à lire rapidement. Si le médecin est intéressé, il lira ensuite le compte rendu, circonscrit et pas trop long. » Reste le problème du logiciel, peu adapté, qui mérite d’être amélioré. « Nous perdons trop de temps, c’est un gros frein. Pour que le BPM soit déployé dans toutes les officines, il faut des outils informatiques modernes. Pour l’instant, les éditeurs de logiciels ne nous aident pas… », regrette Julien Gravoulet.
* Web conférence du 12 novembre.
** Secrétaire général de l’URPS Pharmaciens Grand Est.