« Les personnes diabétiques ont payé un lourd tribut à l'épidémie, le diabète étant un des facteurs de risque des formes graves », rappelle le Dr Jean-François Thébaud, vice-président de la FFD. Cela s'explique, précise le Pr Charles Thivolet, président de la Société francophone du diabète (SFD) par « le fait qu'une infection vitale risque de déséquilibrer le diabète ; en outre, certaines comorbidités (obésité, hypertension artérielle) aggravent l'évolution clinique. Enfin, la prise de corticoïdes pour contrer une réaction inflammatoire, notamment chez les jeunes, perturbe, encore une fois, la glycémie ».
Selon l'étude Coronado, portant sur près de 3 000 patients diabétiques, les personnes les plus à risque sont les hommes âgés de 70 ans en moyenne, atteints d'un diabète de type 2 avec des complications micro et macrovasculaires, en surpoids voire obèses, souffrant d'hypertension artérielle et traités par metformine ou/et par insuline.
Encore 900 000 diabétiques non vaccinés, fin juin
« La vaccination réduit le risque de développer une forme grave. La balance bénéfice-risque pour les diabétiques est très largement positive. Or certains ne sont pas vaccinés », déplore le Dr Thébaut. Selon les données de l'assurance-maladie, au 27 juin, 75 % des diabétiques ont reçu une première injection, 63 % une seconde. Des chiffres supérieurs à ceux de la population générale (respectivement 50 % et 32 %), mais insuffisants par rapport au surrisque, considère Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), puisqu'encore 900 000 diabétiques (sur 3,5 millions) ne sont pas du tout immunisés.
Ce sont des proportions semblables que reflète l'enquête Diabépi, conduite auprès de 3 507 personnes (en majorité inscrites dans le Diabète Lab de la FFD), entre avril et mai 2021, puisque 63 % se déclarent vaccinés et 25 % en attente d'une injection… Et 11 % ne souhaitent pas être immunisés. À la question : êtes-vous favorables à la vaccination ? 15 % répondent « non » ou « pas du tout ».
Crise de confiance
Pourquoi ? L'enquête Diabépi permet de cerner deux profils. Les plus favorables seraient des hommes, avec un bac +2, une profession à haut niveau de revenu et avec un diabète équilibré sans comorbidité. Les moins favorables seraient des femmes, avec un niveau d'étude inférieur au bac, une profession moins rémunératrice et moins stable, et avec un diabète mal équilibré − soit paradoxalement, les patients pour lesquels la balance bénéfice-risque serait la meilleure.
C'est ainsi dans un contexte de précarité et de faible niveau d'étude que s'implante une crise de confiance, non pas tant dans l'efficacité des vaccins, pointe le sociologue Nicolas Naïditch, responsable du Diabète LAB, que dans leur innocuité et leur absence d'effets toxiques. Quelque 49 % des participants à l'enquête ont le sentiment de n'être pas assez bien informés pour en juger et 23 % déclarent que la politique de priorisation vaccinale était difficile à comprendre et susceptible de les faire renoncer à la vaccination − ce qui n'est pas sans lien avec une certaine défiance à l'égard des autorités de santé.
Pharmaciens et médecins en première ligne
La CNAM et la FFD conjuguent leurs efforts pour convaincre la minorité réticente. La première a déjà envoyé un SMS à tous les diabétiques, leur proposant un numéro d'appel coupe-file pour se faire vacciner, tandis que les infirmiers conseillers en santé du service Sophia ont appelé les adhérents diabétiques. Mais encore 16 % refusent la proposition de prise de rendez-vous.
La CNAM entend sensibiliser les pharmaciens (à travers la presse, un Webinaire, des courriers…) pour qu'ils ouvrent la discussion sur la vaccination à chaque fois qu'ils délivrent un traitement, ainsi que les médecins, qui devraient notamment recevoir des tutelles des « éléments de langage et de conviction » : par exemple, dire que le risque de mourir est 48 fois supérieur pour une chute ou 22 fois pour un accident de la circulation, par rapport à un vaccin, avance Nicolas Naïditch. Ou encore qu'il faudrait vacciner 420 000 personnes pour observer 1 décès, tandis que 7 686 hospitalisations auront été évitées et 4 200 vies auront été sauvées, pour faire comprendre la balance bénéfice-risque.