Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?
Thomas Weil.- J’ai obtenu mon diplôme de pharmacien en France en juin 2013 puis j’ai immigré au Québec en août. J’ai tout de suite lancé mes démarches d’équivalence de diplôme. J’ai passé l’examen d’aptitude en novembre, puis stage de janvier à avril et j’ai obtenu mon permis d’exercice en mai 2014, soit environ 6 mois pour obtenir l’équivalence au complet.
Avez-vous rencontré des difficultés pour votre équivalence ?
La difficulté de l’examen, c’est la forme, les mises en situation. On a peu l’expérience de ce genre d’examen en France. Il existe des techniques de communication spécifiques ici qu’il faut absolument connaître : communication avec les patients, entre professionnels de santé, etc. Et aussi maîtriser les manières d’appréhender des situations pharmaceutiques particulières. Les techniques de communication et la démarche structurée valent pour un tiers de l’évaluation. C’est une bonne préparation pour des situations futures et une bonne manière de vérifier si le candidat est apte à exercer.
Vous êtes-vous beaucoup préparé ?
Je travaillais environ 2 heures par jour à côté de mon job d’assistant technique. J’ai passé l’internat en France, donc ça aide beaucoup. J’avais déjà certaines connaissances. Pour les officinaux, je pense qu’il faut entre 3 à 6 mois de révisions. Mais si on se prépare sérieusement, il n’y a pas de raison d'échouer. Le plus difficile, ça reste pour ceux qui ont fait industrie…
Avez-vous trouvé un job facilement une fois l’équivalence obtenue ?
Si vous êtes bien formé, vous trouvez assez facilement. Dans les villes universitaires comme Montréal et Québec, c’est plus difficile. Il y a peu de postes à temps plein disponibles. En région, c’est plus facile.
Y a-t-il un intérêt à travailler sous une bannière plutôt qu’une autre ?
Oui, on peut se voir octroyer certains avantages : certaines peuvent payer la cotisation à l’Ordre, la formation continue… Mais ça dépend plus du propriétaire que de la chaîne. C’est pareil pour le niveau d’autonomie. Les propriétaires franchisés Jean Coutu ou Pharmaprix doivent reconnaître certaines exigences. Les petites pharmacies indépendantes tendent à disparaître.
Est-ce que vous avez eu du mal à vous acclimater en tant que pharmacien québécois après vos expériences françaises ?
La plus grande difficulté dans notre métier, c’est la gestion de différentes choses en même temps. C’est surtout très difficile au début. On gère tout. C’est une charge mentale et des responsabilités beaucoup plus importantes. Je connais des pharmaciens diplômés français ayant obtenu un permis d’exercice ici et qui sont rentrés en France car ils ne supportaient pas avoir autant de responsabilités et de stress. L’assistant technique est là pour vous aider dans vos tâches, mais il ne fait pas de conseil. Vous devez avoir l’œil sur tout. Vous êtes interrompu toute la journée et vous vous occupez de tout : vous contrôlez les ordonnances des patients du jour, les sorties d’hôpital, le suivi de la pharmacothérapie via l’analyse des marqueurs, les ajustements de posologie ; s’il y a une erreur vous devez appeler le médecin, vous faites des renouvellements de la médication, des conseils OTC, etc. Les médecins aussi sont formés à la collaboration interprofessionnelle et on travaille conjointement avec eux.
Pouvez-vous nous décrire une journée type ?
Aucune journée ne se ressemble. Ma journée ressemble beaucoup à du suivi de pharmacothérapie. Dans ma pharmacie, on travaille en collaboration avec une infirmière : elle prend la tension artérielle et on ajuste le traitement en fonction du résultat. On a beaucoup de missions différentes. C’est un métier vraiment très intéressant et honnêtement je ne me vois pas revenir en France. Je me sens réellement comme un professionnel de santé ici.
Et niveau salaire ?
Le salaire dépend de l’expérience et de la ville dans laquelle on exerce. Par exemple, à Québec, le salaire est d’environ 50 $ de l’heure, à Montréal il se situe plutôt vers 55 $ de l’heure, jusqu’à 60 $ si expérience. Pour des remplacements, le salaire peut aller jusqu’à 90 $ de l’heure et jusqu’à 110 $ dans le Nord.
Comment ça se passe ici pour devenir titulaire ?
Encore une fois, ça dépend de la franchise de la pharmacie. L’apport peut être moins élevé et ce sera comme un leasing où vous allez verser une part de votre salaire. Et pour une autre, on vous demandera un apport plus élevé, comparable à la France. Mais être titulaire au Canada représente moins de libertés par rapport à la France car la bannière sous laquelle on travaille vous impose des choses. Vous êtes titulaire, mais vous avez quand même un patron. Ça n’apporte pas grand-chose de mon point de vue, si ce n’est un peu plus de gestion. En région, je pense que c’est déjà plus intéressant.
* Il est aussi tuteur et chargé de cours pour les étudiants en pharmacie et membre du comité de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec.