En février 2021, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a invité à une « consommation éclairée des compléments alimentaires ». À travers ce message, l'Agence sous-entend la nécessité de renforcer l'accompagnement des consommateurs, pour une utilisation à bon escient et correcte.
La nutraceutique ne s'improvise pas
Autrement dit, ne pratique pas la nutraceutique qui veut. « La nutraceutique correspond à l’apport de nutriments au quotidien, en complément d’une alimentation. Cette démarche est devenue un moyen de prise en charge des troubles altérant la qualité de vie, et même un outil pour dynamiser sa santé », note Claire Déséricourt, docteur en pharmacie et consultante en alimentation santé et nutrition. En charge de la conception pédagogique au sein de l'organisme Atoopharm, elle insiste sur la nécessité de se former pour offrir un conseil qualitatif face à une demande croissante. « D'autant plus que dans le domaine des compléments alimentaires, les connaissances sont en perpétuelle évolution, imposant aux professionnels de se mettre à niveau régulièrement », confirme Cyrille Gallois, diététicien nutritionniste spécialisé en nutrition du sport et obésité de l’enfant.
Autre argument pour une utilisation guidée et maîtrisée des compléments alimentaires, leur toxicité potentielle. « Pour beaucoup de consommateurs, les compléments alimentaires sont systématiquement bons pour la santé ; alors que mal utilisé, un nutriment peut avoir des effets délétères. La vitamine B6, encore régulièrement associée au magnésium alors que son rôle de fixateur est aujourd'hui démenti, en est un bon exemple. Une hypervitaminose en vitamine B6 expose à un risque de desquamation et de maux de tête. »
Compléter son alimentation : une utilité à repréciser
Dans son activité de diététicien, Cyrille Gallois note que la prescription de compléments alimentaires n’intervient que dans des situations spécifiques ou pour des profils particuliers. « Normalement, une alimentation équilibrée suffit à couvrir tous les besoins. Le complément alimentaire va surtout permettre de renforcer le fonctionnement de l’organisme, voire à combler une carence se manifestant par des symptômes. La prise de compléments alimentaires peut également s'avérer nécessaire dans des situations spécifiques, selon les périodes de la vie ou selon le mode de vie. Chez un culturiste par exemple, les compléments alimentaires sont intéressants pour combler les besoins très accrus en protéines. »
Pour Claire Déséricourt, l'introduction du complément alimentaire dans un régime alimentaire impose au préalable une analyse à 360° du mode de vie : « une assiette équilibrée (plutôt régime méditerranéen), un sommeil qualitatif, un bien-être psychique et une activité physique adaptée sont indissociables et indispensables pour optimiser les bénéfices d'un complément alimentaire. Conseiller un traitement par oméga 3, vitamine D et curcuma pour stopper une inflammation serait une aberration si en parallèle, le patient pratique la fake food. » Une des principales difficultés réside dans la définition de l'alimentation saine et équilibrée, « d'autant plus que l’alimentation n’est plus parfaitement adaptée à notre génome et est à l’origine de l’installation de carences en micronutriments provoquant des maladies de civilisation au fil des années », insiste Claire Déséricourt. La consommation croissante de produits transformés délétères à l’équilibre du microbiote, l’industrialisation des cultures et les modifications génétiques des plants de culture… les causes de l’appauvrissement nutritionnel de notre assiette sont diverses. « Un exemple flagrant est l’appauvrissement du pain en magnésium, du fait de l’utilisation de farines sélectionnées, plus riches en gluten, et de l’abandon progressif des céréales complètes. Cependant, je ne pense pas que le complément alimentaire soit là pour compenser cet appauvrissement. C’est une solution facile, rapide, mais qui doit être de courte durée. Une meilleure connaissance des aliments et une sélection des produits en fonction de leur qualité nutritionnelle est plus efficace sur le long terme », complète Cyrille Gallois.
Formulation, conseils d'utilisation : une mission du pharmacien.
Pour intégrer de façon pertinente l’apport de nutriments au régime alimentaire, le pharmacien doit cibler les besoins, et décrypter les formulations des « produits cocktails » proposés sur le marché. « Le professionnel de santé doit arriver à se démarquer de l'univers marketing associé aux compléments alimentaires d'une part, et de l’étroite relation entre complément alimentaire et recherche de la performance d'autre part »,observe Cyrille Gallois.
Le diététicien rappelle également quelques consignes à respecter pour optimiser l’absorption des nutriments apportés par voie de compléments alimentaires : « Dans la nature, on ne trouve pas de nutriments seuls. Ils sont toujours associés avec d'autres éléments, ne serait-ce qu’aux fibres. C’est pourquoi, il est conseillé, sauf exception, de prendre ces compléments alimentaires dans un bol alimentaire. Cette démarche améliore l’absorption du nutriment. En outre, cette absorption est conditionnée par le pH gastrique, qui varie en fonction de la prise alimentaire. » L’ANSES a raison : la consommation des compléments alimentaires mérite un éclairage pour en tirer tous les bénéfices. Un rôle sur mesure pour le pharmacien, comme le confirme Claire Déséricourt : « la formation scientifique du pharmacien lui apporte la connaissance des différents métabolismes, des interactions médicamenteuses et des effets secondaires, qui permet une approche transversale très efficiente auprès du patient. »
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