« NOUS SOMMES traités comme des chiens. » Pour Catherine Debelmas, pharmacienne installée à Clamart (Hauts-de-Seine), la coupe est pleine. Engagée de longue date dans la promotion des médicaments génériques, cette officinale se déclare aujourd’hui à la limite du burn out. La raison ? « La caisse primaire d’assurance-maladie des Hauts-de-Seine (CPAM-92) nous met une pression incroyable pour atteindre les objectifs fixés par la convention nationale », explique-t-elle, un brin excédée par le nombre de ses factures bloquées amputant sa trésorerie de plus de 2 000 euros depuis deux mois.
Une pression que cette officinale clamariote comprend d’autant moins qu’elle se considère comme une bonne élève. « Alors que, en juin dernier, le département des Hauts-de-Seine affichait un taux moyen de substitution de 69 % et que, au niveau national, il ne dépassait pas les 71 %, la pharmacie avait déjà atteint un taux de 72 % », explique Catherine Debelmas, qui revendique désormais un taux de 89 %.
Une pression que la CPAM-92 justifie justement par la nécessité de faire progresser le niveau de substitution dans le cadre des objectifs fixés par la convention nationale. « Seules trois pharmacies sur les 514 que compte le département avaient atteint le taux de 85 % », explique ainsi Daniel Vitte, directeur adjoint de la gestion du risque dans la CPAM-92. Une évolution jugée beaucoup trop lente par le directeur de la caisse, qui a décidé alors de prendre le taureau par les cornes en appliquant « à l’excès » le principe tiers payant contre génériques.
Faire bouger les choses.
Une application excessive et jugée hors les clous par Patrick Zeitoun, président de l’Union des pharmaciens de la région parisienne (UPRP). « Toute ordonnance contenant un princeps s’est ainsi retrouvée non payée, quand bien même ce médicament était été accompagné de la mention « non substituable », rédigée en toutes lettres, de manière manuscrite et en face du nom du médicament », explique le syndicaliste francilien. Et d’ajouter : « dès lors qu’un officinal n’atteignait pas le taux moyen de substitution départementale, tous ses lots étaient bloqués par la caisse sans aucune autre formalité ».
Des mesures que le directeur adjoint de la gestion du risque de la CPAM- 92 ne considère aucunement excessive. « Quinze jours après la signature de l’accord national, le taux départemental n’avait progressé que de deux points », explique-t-il, avant d’ajouter : « ce taux demeurant de surcroît inférieur au taux moyen national, il était évident que notre département était clairement en retard sur l’objectif de 85 %. »
Pharmacies sous surveillance.
Convaincu que la contre-performance des pharmaciens alto-séquanais ne pouvait s’expliquer par la seule mention « non substituable » apposée sur les ordonnances, la CPAM-92 a donc placé l’ensemble des pharmacies sous surveillance. « Nous avons mis en place un échantillon constitué d’une vingtaine de médicaments pour mesurer la performance de chacune des officines du département. Avec, à la clé, le non-paiement des factures jugées non-conformes ou émanant d’officinaux non performants. » Une pression que le directeur adjoint de la gestion du risque de la CPAM- 92 relativise toutefois, puisque, début août, seulement 800 factures étaient rejetées sur les 45 000 décomptes de pharmacie payés quotidiennement par la caisse.
La méthode semble néanmoins avoir porté ses fruits puisque, « deux mois plus tard, le taux moyen de substitution est passé de 71 % à 80 % sur l’ensemble du département, où désormais quelque 270 pharmacies affichent un taux moyen supérieur à 85 % ». Conséquence : « la CPAM a décidé de revoir ses procédures et de ne plus placer que les 244 mauvais élèves sous contrôle échantillonné », se félicite Daniel Vitte, qui précise encore que seulement une centaine de factures sont désormais rejetées.
Action en justice ?
Pour autant, l’UPRP et l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) ne sont pas restés les bras croisés. Les deux syndicats ont ainsi « demandé instamment au directeur de la CPAM 92 de mettre un terme à ces mesures injustes et scandaleuses », explique Patrick Zeitoun, qui assure, en cas d’immobilisme de la caisse, être prêt à intenter une action devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) et devant le tribunal de grande instance (TGI).
Mais un bon accord étant toujours meilleur qu’un mauvais procès, le président de l’USPO, Gilles Bonnefond, a saisi le directeur général de la CNAMTS, Frédéric van Roekeghem, pour lui demander de ramener à la raison les directeurs de CPAM zélés. Car la CPAM 92 semblait avoir fait quelques émules. Outre l’Hérault, où les élus du syndicat départemental des pharmaciens à la commission paritaire avaient démissionné pour montrer leur hostilité aux mesures prises par la CPAM-34, les Alpes-Maritimes ont également connu quelques soubresauts. « Depuis le 11 juin, la mesure tiers payant est appliquée avec excès », déplore Hervé Kalfon, officinal installé à Nice. Et, comme dans les Hauts-de-Seine, « les pharmacies sont placées sous surveillance, avec, à la clé, le rejet de toutes les ordonnances contenant un princeps », précise-t-il encore. Une situation qui devrait toutefois rentrer prochainement dans l’ordre, puisque le directeur général de la CNAMTS a instamment demandé à toutes les CPAM d’appliquer strictement le dispositif tiers payant contre génériques.
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