POUR les principes actifs tout d’abord. « S’il y a de moins en moins de fabricants européens de principes actifs, c’est avant tout pour des raisons réglementaires environnementales, très contraignantes, et pas seulement pour des raisons de coût, comme on le croit », rappelle Catherine Bourrienne-Bautista du GEMME. Le virage était amorcé depuis une vingtaine d’années, mais « depuis l’entrée en vigueur en juin 2007 de la réglementation européenne REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and restriction of Chemical substances), destinée à protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques que peuvent poser les produits chimiques, il est devenu quasiment impossible de fabriquer certains produits chimiques ». Il y a donc quelque hypocrisie à regretter que la chimie ait déserté l’Europe : on n’en veut plus parce qu’elle pollue l’atmosphère, l’eau, les sols. Cela dit, la pression permanente sur les prix a conduit l’industrie à rechercher d’autres sources plus compétitives.
Mêmes sources d’approvisionnement.
Ainsi, « une grande partie des principes actifs utilisés par l’ensemble des laboratoires pharmaceutiques (génériques et médicaments de marque) est fabriquée hors d’Europe, en particulier en Asie », explique Erick Roche, président de Teva Laboratoires, filiale hexagonale du leader mondial des génériques. « Mais cette information étant rarement relayée, les patients ignorent que les sources d’approvisionnement sont très souvent communes à toute l’industrie ».
Tout dépend cependant du type de médicaments. Certains ont peu d’influence sur l’environnement. Le développeur de génériques Substipharm commande ainsi ses principes actifs (qu’il fait livrer aux façonniers) pour 40 % en Europe et 60 % en Inde où la chimie est très avancée, en Chine et un peu au Mexique. Les antibiotiques, très polluants, sont aujourd’hui fabriqués exclusivement en Chine.
Pour la production de produits finis, c’est différent puisque 96 % des spécialités génériques délivrées en France sont produites en Europe, dont 55 % dans l’Hexagone. Contrairement à l’Allemagne ou l’Angleterre par exemple qui ne produisent plus beaucoup de génériques, la France a réussi à garder la majorité de la production des génériques vendus sur le territoire alors que leur prix de vente, assez bas, se situe dans la moyenne européenne. Chez Substipharm, la fabrication est made in France à 95 %, le reste made in Italy et Germany. « En Europe, la fabrication est très automatisée et les prix peuvent donc être assez compétitifs. Elle l’est bien moins hors de l’Europe et il faut ajouter des coûts supplémentaires liés au transport et à la logistique… Il est donc plus pratique pour nous que la production des génériques finis soit la plus proche possible de notre marché, très majoritairement français et européen », explique son président Léopold Berthier.
Sauvegarder la production française
Garder une production hexagonale importante apparaît essentiel non seulement pour l’économie nationale, déjà en difficulté, mais aussi pour la santé publique car nous préservons ainsi une certaine indépendance sanitaire, estime-t-on au GEMME. « Quand, l’an dernier, les génériques ont décollé grâce au tiers-payant, nous aurions eu de grosses ruptures d’approvisionnement sans une fabrication industrielle de proximité. La réactivité de nos fabricants a permis de lisser ces ruptures », affirme Catherine Bourrienne-Bautista. « Mais il ne faudrait pas abaisser davantage le prix des génériques… ».
C’est ce que pensent tous les professionnels du générique. « Dans les pays qui ont adopté une politique de prix très bas des génériques comme l’Angleterre (1 euro la boîte en moyenne) ou la Hollande (1,50 euro) pour faire des économies, la grande majorité des spécialités génériques est fabriquée hors d’Europe, c’est un choix », explique Erick Roche. « Teva se bat pour maintenir un outil industriel européen (une vingtaine de sites dont 2 en France, à Sens et Nevers), qui présente des avantages certains, notamment pour la production de petites quantités. Mais si la pression sur les prix devait se poursuivre dans les années à venir, je m’inquiète de notre capacité à rester compétitif. Abaisser les prix de génériques pour réduire le déficit de l’Assurance-maladie est certes facile et l’effet est immédiat, apparemment indolore, mais lourd de conséquences pour le tissu industriel… ».
Article précédent
Attention, substitutions délicates
Article suivant
Du mouvement perpétuel à l’accalmie printanière
De l’idée à la conception
Des génériques pas comme les autres
Les génériqueurs contre-attaquent
Le générique est-il trop cher ?
Un marché sous influence
Attention, substitutions délicates
Le made in France l’emporte encore
Du mouvement perpétuel à l’accalmie printanière
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %