Aérosols, bandelettes, mais aussi, et surtout, médicaments chers… Nombre de prescriptions donnent lieu à une mauvaise surprise, six mois, voire un an après leur dispensation… Les actions de l’assurance-maladie visant la récupération d’indus sont vécues comme une injustice par ceux qui estiment le plus souvent faire les frais de prescripteurs peu rigoureux ou mal informés. Christophe Koperski, président de la commission convention et systèmes d'information de la Fédération des syndicats de pharmaciens de France (FSPF), cite le cas d’un neurologue libéral, exerçant également à l’hôpital, qui rechigne à tamponner ses ordonnances émises dans le cadre hospitalier, pénalisant de fait patient et pharmacien.
Au-delà de l’effet de sanction ressenti, les indus peuvent coûter cher à la pharmacie. Il est difficile de chiffrer leur impact financier tant les disparités de traitement sont grandes dans l'Hexagone. Ces récupérations d’indus frappent le plus souvent des médicaments chers. Et pour cause, comme le soulignent les syndicats, ces actions rapportent davantage à l’assurance-maladie, et à moindres frais, que des tentatives de récupération sur des produits meilleur marché.
Dans ce contexte, il suffit alors d’une ou deux actions de l’assurance-maladie pour que l’indu soit fatal à l’économie officinale. « Nous avons eu connaissance d’un indu à hauteur de 80 000 euros plus les pénalités de 50 %, soit une facture de 120 000 euros. Ça tue la pharmacie », s'insurge Christophe Koperski. Ces pratiques paraissent d’autant plus iniques que les sommes récupérées s’appliquent sur la totalité du prix du médicament et non sur le volant de la rémunération du pharmacien.
Plus de prévention, moins de répression
Les syndicats n’ont eu de cesse de dénoncer ces situations au cours des dernières années. Parfois même avec fracas - et succès - comme en témoigne l’opération intentée en région Rhône-Alpes par des élus de l’USPO (lire notre article du 25 avril 2019). Il semble aujourd’hui que les syndicats ont été entendus. Lors de la Commission paritaire nationale (CPN) du 13 juin, l’assurance-maladie et les deux syndicats de la profession ont convenu de nouvelles adaptations. Un groupe de travail devrait se constituer à la rentrée. Composé de différents acteurs, direction générale de la santé (DGS), assurance-maladie, Ordres professionnels des médecins et des pharmaciens et syndicats de ces deux professions, ce groupe planchera sur un allégement du « mille feuilles » administratif et des règles qui président aux prescriptions de certains médicaments. « Elles se sont ajoutées au fil des années pour devenir inadaptées au regard des contraintes actuelles, notamment des conditions d’accès à certains prescripteurs », relève Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Résultat : ces mêmes règles, qui autrefois étaient censées protéger le patient, mettent en péril aujourd’hui le suivi de son traitement. C’est le cas du renouvellement de prescriptions restreintes aux spécialistes, comme la Dépakine, le Rivotril ou encore le Cardensiel, les aérosols pour les enfants, ainsi que de nombreuses spécialités en oncologie. Il n’est pas rare que les pharmaciens se trouvent face à un patient dans l’impossibilité de consulter un spécialiste pour son renouvellement et dans ce cas, face au dilemme : faut-il prolonger le traitement, en prenant le risque d’un indu, ou refuser la délivrance ?
Soucieux de garantir la continuité des soins, nombre de pharmaciens prennent ce risque à leurs dépens. Pourtant, selon Gilles Bonnefond, en tant que professionnel de santé, ils ne devraient pas encourir ce danger. C’est, rappelle-t-il, dans cet esprit que l’avenant 11 a prévu « la fin de l’acharnement des caisses et des indus abusifs » au moyen de l’article 36.5.4 qui stipule « les caisses, dans le cadre des actions de récupération d’indu (…), tiennent compte des situations où le pharmacien n’est pas objectivement en mesure de pouvoir vérifier la conformité de sa délivrance aux conditions de prise en charge opposées ».
Des pratiques homogènes, des CPL renforcées
Le climat de confiance ainsi rétabli avec l’assurance-maladie doit être conforté par d’autres modes de contrôle. Lors de la CPN du 13 juin, il a été convenu qu’une meilleure information des prescripteurs et des dispensateurs sur le terrain contribuerait à accroître la prévention. Gilles Bonnefond fait à nouveau référence à l’avenant 11 qui, dans l’article 53.3, indique que la CPL (commission paritaire locale) détient le pouvoir d’« analyser les éventuelles difficultés d’application des dispositions législatives ou réglementaires relatives à la dispensation pharmaceutique ou pouvant l’impacter, aux modes de rémunération des pharmaciens d’officine, à la facturation aux caisses des produits et prestations pharmaceutiques, et de faire part de ses constatations ». Le président de l'USPO assure que, dans ce cadre, les contrôles devront s’effectuer à l’avenir « non pas à l’encontre de pharmaciens, émetteurs de facturation " à la virgule près ", mais de pharmaciens conseillers de leurs patients ».
Ce rôle accru des CPL qui veilleront à une responsabilisation des professionnels de santé devra cependant s’accompagner d’une harmonisation des pratiques des caisses. « C’est une condition pour que les pharmaciens ne se sentent pas piégés », insiste le président de l’USPO. Car comment sinon expliquer la disparité dans les éligibilités au remboursement entre des départements parfois même limitrophes. Les bas de contention ou les préparations Weleda n’en sont que quelques exemples en date (lire notre article du 28 novembre 2016). Certes, reconnaît dans un sourire Christophe Koperski, « les directeurs départementaux ont des consignes et aussi, comme nous, leurs " ROSP ", c’est-à-dire des objectifs à respecter en matière de réduction des dépenses, mais d’autres voies sont possibles ». Il en veut pour preuve une action mise en œuvre dans son département. Un travail pluridisciplinaire en CPL du Lot-et-Garonne a permis de réduire considérablement les dépenses de l’assurance-maladie en aérosol, en épargnant les pharmaciens en « indus ». Autre solution que le syndicat souhaiterait voir se généraliser : l’inscription systématique sur le logiciel d'aide à la dispensation (LAP) du médecin des spécificités de prescription. Cette fonctionnalité ôterait une dernière épine dans le pied des pharmaciens.
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