SI LE CADRE général de la substitution est construit sur la base du répertoire des groupes génériques, Philippe Vella, directeur des médicaments génériques à l’ANSM précise : « Pour certains médicaments, l’agence inclut des recommandations invitant le prescripteur et le pharmacien à la prudence » et mentionne que ces recommandations concernent certaines situations qui peuvent apparaître lors de la substitution dans le sens princeps vers générique mais aussi, générique vers un autre générique ou encore générique vers princeps.
À cause de la pathologie traitée.
Dans l’épilepsie, le dépassement d’un certain seuil d’excitation neuronale est synonyme d’un déséquilibre, potentiellement générateur de crise convulsive. Avant de proposer une substitution, le médecin et son patient estimeront le niveau d’anxiété que le changement médicamenteux est capable de générer.
« Sur les patients pèsent alors l’incertitude et la menace d’une éventuelle récidive de crise et leurs conséquences sur le plan médical avec des risques de blessures parfois graves, des hospitalisations et sur le plan social un coût non négligeable avec arrêt de travail, interdiction de conduire, perte d’emploi » observe Dr Arnaud Biraben, président de la Ligue Française contre l’Épilepsie « rien de comparable avec d’autres traitements d’affections chroniques telles que l’hypercholestérolémie ou l’HTA, pour lesquelles l’échappement n’a que rarement des conséquences aussi immédiates ! »
À cause du type de patient.
C’est le cas de la population pédiatrique. Une modification du goût, de l’aspect impacte directement l’observance du jeune patient. Des recommandations visant les médicaments à usage pédiatrique sont en cours d’élaboration par l’Agence Européenne du Médicament.
Chez les personnes âgées, la polymédicamentation, très fréquente, entraîne une substitution problématique, d’autant plus qu’elles se trouvent rapidement désorientées par le moindre changement de leur prescription médicamenteuse.
Chez les toxicomanes, particulièrement ceux dont la dépendance est récente et en absence de troubles psychiques, le Subutex (buprénorphine en comprimé sublingual) a participé à l’efficacité de la prise en charge de leur dépendance aux opiacés. « Il existe un attachement à ce médicament, lié à la notion même de substitution du stupéfiant par un médicament. Pour cette raison, certes subjective, des patients ne souhaitent pas passer aux génériques » explique Dr Alain Morel, vice président de la Fédération Française d’Addictologie.
Une autre raison existe, plus cryptée que la précédente que font valoir une partie des toxicomanes traités par la buprénorphine. Cet agoniste partiel des récepteurs opiacés n’apporte pas le confort physique et psychique d’un agoniste pur, comme la morphine ou la méthadone. Certaines personnes qui recherchent ces effets en détournent l’usage. En la sniffant, en additionnant tranquillisants, psychotropes, alcool ou en l’injectant par IV. Ces derniers, constatant que le Subutex est plus facilement injectable que la buprénorphine générique, ne souhaitent pas de génériques.
À cause des caractéristiques du médicament.
En novembre 2009, les spécialités génériques à base de lévothyroxine sont mises sur le marché. Un certain nombre de patients, traités auparavant par le princeps, Lévothyrox, observent rapidement palpitations, tachycardie, vertiges, maux de tête, troubles de l’humeur, des signes qui leur rappellent la période où ils recherchaient le bon dosage du princeps. « Alors qu’ils étaient bien équilibrés, après bien des difficultés parfois, depuis plusieurs années par le Lévothyrox, les patients se retrouvaient avec une TSH augmentée, en hypothyroïdie. Pour d’autres patients, au contraire, le passage au générique s’est suivi, d’une diminution de la TSH » développe Béate Bartès, présidente de l’association Vivre sans Thyroïde.
Bien que la bioéquivalence entre le princeps et ses génériques ait été fixée sur la base d’un intervalle d’équivalence resserré (90 à 111 % pour l’aire sous la courbe des concentrations plasmatiques mesurées entre 0 et 48 heures après la prise), l’équilibre thyroïdien du patient est individuel et sensible à de très faibles variations de doses, particulièrement chez les patients traités pour cancer thyroïdien, les femmes enceintes, les enfants, les sujets âgés, les patients en insuffisance cardiaque, ou coronarienne, avec des troubles du rythme.
Autre exemple récent : Cellcept (mycophénolate mofétil) utilisé après une allogreffe de rein, cœur ou foie. La mobilisation des patients greffés du rein de l’association Renaloo a porté ses fruits lorsqu’en septembre 2012, cet immunosuppresseur fut exclu du dispositif tiers payant contre générique.
Si pour certains patients la substitution paraît délicate, pour d’autres le passage aux génériques ou encore l’initialisation du traitement par les génériques ne pose pas de problème. La vigilance des patients, médecins et pharmaciens est de mise pour préserver la pérennité des génériques ainsi que révéler d’éventuelles situations problématiques.
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