MARC-ANDRÉ Gagnon, docteur en sciences politiques, professeur adjoint en politiques publiques au Canada et chercheur en éthique aux États-Unis, croit en une recherche plus indépendante, « libérée des contraintes commerciales de l’industrie ». Rappelant que quinze grandes firmes se partagent le tiers d’un marché mondial de 900 milliards de dollars, le chercheur note qu’elles dépensent « deux fois plus en promotion qu’en recherche » et regrette qu’il ne s’agisse trop souvent de « médicaments qui ne sont que des extensions de gamme sans véritable avancée thérapeutique ». De même, reprenant les analyses de « Prescrire » depuis 30 ans en termes de progrès thérapeutique, il souligne une nette augmentation du nombre de médicaments sans avancée significative. Son constat ? Il est plus lucratif de consacrer la majorité des ressources à orienter les pratiques médicales plutôt que d’investir dans le développement et la production de médicaments. Marc-André Gagnon accuse d’ailleurs l’industrie pharmaceutique de trois maux : « la multiplication de la publication d’études favorables à un médicament, la rétention d’informations pouvant nuire aux ventes, l’intimidation, voire la neutralisation, de chercheurs indépendants ». Selon lui, ces stratégies reposent sur « une économie politique de l’influence » qui « biaise le savoir guidant les pratiques médicales ». Pour autant, « blâmer les firmes serait inapproprié puisqu’elles n’ont pas le choix », sauf à risquer de perdre des parts de marché. C’est pourquoi Marc-André Gagnon en appelle à plusieurs réformes de fond : transparence et accès public aux résultats des essais cliniques, encadrement strict et élimination des conflits d’intérêts, évaluation clinique et pharmacoéconomique rigoureuse des nouveaux médicaments, revalorisation d’une recherche plus indépendante des firmes pharmaceutiques. Car, souligne-t-il, « seule une recherche indépendante, sans but lucratif, peut permettre la réalisation d’essais cliniques libres de toute considération commerciale ».
Pour une Convention mondiale.
Une affirmation qui rejoint la démonstration de Martine Ruggli, pharmacienne, responsable du département Pratiques collaboratives de la société suisse des pharmaciens PharmaSuisse. Absente lors du débat, sa démonstration a été présentée par Jérôme Sclafer, responsable de rubrique de « Prescrire ». Pour la pharmacienne, les essais comparatifs indépendants doivent s’imposer « pour obtenir les réponses nécessaires aux soins ». Elle présente plusieurs exemples de ce type d’essais, dont les résultats sont « susceptibles d’impacter la prise en charge de millions de personnes tout en améliorant la qualité des soins ». Ainsi, l’essai Allhat a permis la réhabilitation d’antihypertenseurs historiques, plus sûrs et moins chers que les nouveautés promues. L’essai WHI a révolutionné le traitement de la ménopause en écartant la substitution hormonale. Enfin, l’essai Catie a comparé quatre antipsychotiques, prouvant que les dernières molécules n’étaient pas forcément plus efficaces et que leurs effets indésirables n’étaient pas plus supportables que ceux des traitements conventionnels. Plusieurs pays ont pris des mesures pour encourager le développement d’une recherche plus indépendante des firmes pharmaceutiques, comme l’Italie, la France ou les États-Unis.
German Velasquez, économiste de la santé, conseiller principal pour la santé et le développement de Centre Sud (organisation intergouvernementale de pays en développement) et ancien directeur de l’OMS, appelle lui aussi à changer de modèle de R&D. Il s’offusque que, en ce début de XXIe siècle, « les maladies infectieuses tuent encore plus de 10 millions de personnes chaque année, dont 90 % dans les pays en développement », « un tiers de la population mondiale n’a pas accès aux médicaments dont elle a besoin » et « peu d’investissements sont réalisés pour la R&D de thérapeutiques visant à lutter contre les maladies prévalant dans les pays en développement ». German Velasquez souhaite que la piste étudiée par les Etats-membres de l’OMS aboutisse. À terme, une Convention mondiale obligatoire de l’OMS permettrait d’assurer « un financement durable de la recherche et du développement de médicaments utiles et à des coûts abordables pour les populations ».
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