« Une forte convergence d'approches différentes laisse penser que l'anorexie est un trouble des circuits de la récompense, et donc une pathologie du spectre addictif et non pas une phobie. Nos travaux le confirment. » Ainsi le Pr Philippe Gorwood, chef de service à l'hôpital Sainte-Anne et chercheur à l'INSERM* et à l'université Paris Descartes, présente-t-il les conclusions de l'étude qu'il a dirigée.
Ces résultats publiés dans la revue « Transnational Psychiatry » suggèrent que l’anorexie mentale ne serait pas expliquée par une peur de prendre du poids, mais par le plaisir d’en perdre. Très souvent associé à une souffrance psychologique majeure, ce trouble du comportement alimentaire, essentiellement féminin, affecte 0,5 % de la population générale mais jusqu'à 3 % des jeunes filles de 13 à 25 ans. Il est aussi le trouble du comportement qui occasionne le plus fort taux de suicide.
Une réaction positive à la maigreur
Le diagnostic repose sur trois critères internationaux : la présence d’une restriction alimentaire menant à la perte de poids, une perception déformée du poids et du corps et une peur intense de grossir. L’équipe du Pr Philip Gorwood a entrepris de réévaluer ce dernier critère, en faisant l’hypothèse qu’il s’agirait d’un reflet en miroir de ce qui est réellement impliqué, c’est-à-dire un effet récompense de la perte de poids. Les chercheurs ont ainsi établi le postulat que les patientes ressentaient le plaisir de maigrir plutôt que la peur de grossir.
Afin de ne pas être influencé par le discours et l’analyse qu’elles avaient de leurs difficultés alimentaires, ils ont utilisé un test de « conductance cutanée » qui mesure le taux de sudation de la peau du sujet exposé à diverses images. L’émotion provoquant alors une augmentation de la transpiration, rapide et automatique. Dans un premier temps, les chercheurs ont montré des images de personnes de poids normal ou en surpoids à 71 patientes anorexiques et à 20 sujets sains. La vision de ces images provoquait à peu près la même réaction dans les deux groupes. À l’inverse, face à des images corporelles de maigreur, les participantes anorexiques exprimaient des émotions évaluées comme positives tandis que les sujets sains n’avaient pas de réaction particulière.
Un gène codant pour le BNDF impliqué
L’étude montre par ailleurs qu'une majorité des patientes dont la transpiration a augmenté face aux images de maigreur présentent un allèle spécifique de l'un des gènes les plus souvent associés à l’anorexie mentale, codant pour le BNDF, un facteur impliqué dans la survie des neurones et la neuroplasticité. Les conclusions de ce travail renforcent l’approche génétique comme manière d’aborder différemment les symptômes clés de l’anorexie mentale, connue pour sa forte héritabilité (70 %). « Alors qu’il n’existe actuellement aucun traitement pharmacologique de cette pathologie, ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques, pouvant s'inspirer du traitement de certaines addictions ou faisant appel à des techniques neurocognitives », s'enthousiasme le Pr Gorwood. Si la thérapie familiale peut se révéler un déclencheur efficace de la prise en charge de ces patients, les psychothérapies individuelles offrent des résultats moins probants. « L'anorexie se caractérise par une grande perte de flexibilité cognitive, explique par ailleurs le spécialiste. Les personnes anorexiques s'arc-boutent à leur volonté pour se tenir à un objectif fixé sans déroger de leur ligne de conduite. » Une remédiation cognitive, amenant à leur faire travailler les changements de paradigmes pourrait, selon lui, les aider à modifier leur comportement. Le Pr Gorwood voit aussi d'un œil optimiste « le bénéfice net » que pourrait apporter à ces patients la thérapie en pleine conscience.
* Unité 894 « Centre de psychiatrie et de neurosciences ».
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