« Pas d'autre choix que de continuer »
Arrêter de tester suite au passage à 16,50 euros ? Inenvisageable pour Domitille de Bretagne, titulaire à Hazebrouck (Nord). « Je me vois mal dire aux patients " bon maintenant ce n'est plus intéressant économiquement donc allez vous faire tester ailleurs". Début avril, nous réalisions entre 80 et 150 tests par jour avec 30 à 40 % de cas positifs. La question d'arrêter on ne se l'est même pas posée en fait. Nous avons un service à rendre aux patients et j'estime que nous n'avons pas d'autre choix que continuer. »
Davantage que le fait de baisser le prix des tests antigéniques, ce sont « les inégalités de revalorisation entre les différents professionnels » qui dérangent Domitille de Bretagne. « Cela et le sentiment d'une absence de reconnaissance pour notre investissement. Les tests antigéniques ont été intéressants économiquement pour les pharmaciens, on ne va pas le nier, mais cela a aussi nécessité beaucoup d'investissement au niveau humain. » Le passage du prix des autotests de 2 à 1 euro ne la choque pas outre mesure. « Il n'y a plus besoin d'expliquer comment ils fonctionnent, les patients savent très bien comment les utiliser aujourd’hui. » En revanche, la baisse du prix des TAG l'a amenée à prendre une décision. « J'envisageais d'acheter des tests grippe/Covid mais la baisse de prix m'a contrainte à y renoncer, ce qui est dommage car cet outil aurait été bien utile aujourd'hui. » En revanche, hors de question de se procurer des tests au rabais. « Choisir des mauvais tests et faire une croix sur la qualité c'est hors de question. »
« Un sentiment de découragement »
Dans sa pharmacie de Strasbourg, Guillaume Kreutter a également choisi de continuer à acheter les mêmes tests malgré la baisse de prix mais cette mesure a eu une autre conséquence. « Désormais si un membre de l'équipe est absent ou malade et qu'il manque une personne pour tester je ne vais pas la remplacer comme je le faisais auparavant, notamment en janvier quand la demande était au plus haut », explique-t-il. Secrétaire général de l’Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) dans la région Grand Est, Guillaume Kreutter vit cette baisse des prix comme une « injustice ». « Cela provoque un certain découragement en effet. Est-ce que cette baisse est identique pour tout le monde ? Non. Pourquoi devrions-nous gagner moins que les autres ? », questionne-t-il.
Dans son officine, Guillaume Kreutter a décidé de « privilégier son activité au comptoir ». Il teste en priorité les personnes qui ont des symptômes, a réduit la plage horaire durant laquelle son équipe et lui testent et tente de s'adapter selon les créneaux d'ouverture du laboratoire situé à proximité pour ne pas laisser des patients sans solution. Il regrette que la profession n'ait pas su s'opposer à certaines décisions prises au cours des dernières semaines. « Quand on a confié les autotests aux GMS nous n'avons rien dit. Après la première baisse du prix des TAG (décidé le 15 février) nous n'avons rien dit », regrette-t-il. Pour Guillaume Kreutter, il est important que les pharmaciens montrent au gouvernement leur mécontentement. « On ne peut pas rester sans rien faire » , estime-t-il.
« Les patients ne comprendraient pas que l'on fasse grève »
Dans le XIIIe arrondissement de Paris, Yorick Berger n'a rien changé à ses habitudes depuis que la baisse de prix est entrée en vigueur. Il teste autant qu'avant le 1er avril, « une centaine par jour » la semaine dernière. Ce qui ne l'empêche pas de juger avec sévérité le passage à 16,50 euros du prix des tests antigéniques. « C'est une décision qui a été prise de manière unilatérale et autoritaire. Pour moi, c'est inadmissible. On nous dit qu'on a gagné beaucoup d'argent grâce aux tests. Si l'on est honnête, peut-être qu'ils étaient un peu trop bien rémunérés à une époque, mais ce ne sont pas les pharmaciens qui avaient fixé le prix. Aujourd'hui, selon certaines études, avec un test à 16,50 euros nous allons perdre de l'argent », veut souligner Yorick Berger, également secrétaire de la chambre syndicale des pharmaciens de Paris (FSPF 75).
Alors que des appels à la grève ont été lancés au niveau local, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, le pharmacien parisien estime que cette méthode n'est pas forcément la bonne. « Je comprends que des pharmaciens aient l'envie d'arrêter, mais ce n'est pas à la population d'en payer le prix. Les patients ne vont pas comprendre si on leur explique que l'on ne teste plus parce que le prix est passé à 16,50 euros, souligne-t-il. Nous sommes encore dans la crise du Covid et l'objectif c'est d'en sortir. Même si l'on s'est moqué de nous avec cette baisse, il faut essayer de prendre du recul », estime Yorick Berger, qui regrette que cette question crée quelques divisions au sein de la profession.
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