Il y aura assurément un avant et après Covid-19 tant la crise sanitaire a laissé des marques indélébiles dans le fonctionnement des officines et de leur groupement. « Je ne pense pas qu’on reviendra aux anciennes habitudes. Les pharmaciens ont pris conscience qu’en période de crise, ce qui comptait c’était leur cœur de métier, le comptoir plutôt que le bureau, le contact des patients davantage que la négociation pour un demi-point de marge sur un produit de para. La patientèle, de son côté, a pu se rendre compte de la qualité de l’expertise de son pharmacien. L’image de la profession a encore pris du galon », analyse Pierre-Alexandre Mouret, directeur des opérations et de la stratégie du groupement PharmaVie.
Il est convaincu que ces enseignements de la crise vont influencer encore longtemps « les achats, le merchandising et même la manière de construire le business des pharmaciens ». Les attentes des consommateurs ont également changé, note-t-il, plus centrées sur « le local, le Français, le durable ». Jusqu’à adopter les solutions numériques pour se rapprocher de leur pharmacien (click & collect) ou de leur médecin. « Nous avons ainsi constaté un formidable bond en avant de la téléconsultation dans les 50 officines adhérentes qui la propose. Les patients redoutent beaucoup d’être contaminés dans les salles d’attente des médecins et préfèrent être seuls dans l’espace de confidentialité de leur pharmacien acteur de santé », expose Pierre-Alexandre Mouret. Il note au passage le repli des patients sur leur pharmacie de quartier, une typologie d’officines qui sort gagnante de la crise, tandis que les grandes structures implantées en périurbain, dans les centres commerciaux notamment, ont été victimes d’un recul d’activité entre 30 et 50 %, voire 60 %.
À l'image de l'officine, le groupement a également modifié son mode de fonctionnement au cours de cette crise sanitaire. Mises à disposition gratuitement de tous les adhérents (voir encadré), les solutions digitales ont été appliquées plus que jamais aux besoins du terrain. C’est ainsi que l’application Yoobic, un outil initialement utilisé par les labos pour les TG, a été « déliée » pour faire circuler les « bonnes pratiques Covid » au sein du réseau. « Ce sont nos adhérents du Grand Est, les premiers confrontés à l’épidémie, qui ont mis à disposition de leurs confrères des autres régions leurs expériences et leurs solutions. Des sortes de tutoriels avec le son et l’image qui ont permis aux autres adhérents d’agir avec agilité et réactivité face à la progression du virus, avec par conséquent, une longueur d'avance », explique le directeur des opérations et de la stratégie du groupement.
La jungle des masques
Cette capacité à mutualiser les informations afin de réagir rapidement survivra-t-elle à la crise sanitaire ? Pierre-Alexandre Mouret n’en doute pas. « Nous avons gagné en vitesse et nous allons être obligés de continuer ! », s'amuse-t-il, assurant que les acquis dans le domaine digital seront consolidés. De la même manière, le groupement promet de mieux intégrer la nouvelle donne en matière de modes de consommation. « Nous pratiquions déjà un commerce orienté vers le durable, notamment en privilégiant le vrac dans le point de vente. Mais nous nous sommes aperçus que nous ne communiquions pas sur ces aspects éthiques, et notamment sur la fabrication française de nos produits. Désormais, nous allons revoir le packaging en y ajoutant un petit drapeau ! », poursuit-il, convaincu que la patientèle est aujourd’hui prête à faire la différence, même si le produit est plus cher.
Cette approche s’applique également au sourcing des produits propres à la crise sanitaire : les solutés hydroalcooliques et les masques grand public. « Dans ce dernier domaine, c’est la jungle. Et nous y allons pas à pas, évitant les écueils de la précipitation qui mettraient à mal l’image de la pharmacie », insiste Pierre-Alexandre Mouret. C’est ainsi que chaque fournisseur est passé au crible par un pharmacien responsable qui teste la filtration des produits et leur conformité, ainsi que par le service compliance qui vérifie la pérennité du fournisseur. « Nous privilégions la qualité et restons très sélectifs sur deux ou trois marques, ce qui explique que nous ne livrerons que 100 000 ou 150 000 masques par semaine », explique celui qui a fait ses classes chez Monoprix. Il se déclare volontiers prudent, l’évolution de l’épidémie ne permettant pas encore de dire si le masque deviendra – ou non — un produit d’usage. C’est avec la même circonspection que le groupement aborde le prochain épisode du Covid à l’officine : les TROD. PharmaVie, qui participe à un test initié par Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie, ne peut en dire davantage. Mais une chose est sûre, le groupement reste en alerte, assure son directeur des opérations et de la stratégie.
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