À l'occasion des 30 ans de Cap'unipharm, l'un de ses fondateurs, Christian Labussière, revient sur les origines du groupement ainsi que ses futurs projets, mais aussi sur l’accélération de la concentration et des risques posés par la financiarisation accrue du secteur.
Le Quotidien du pharmacien.- Cap’unipharm a récemment fêté ses 30 ans. Pouvez-vous revenir sur les origines de votre groupement ?
Christian Labussière.- Cap’unipharm est un groupement en coopérative fondé en 1994 par Michel Robine, une dizaine d’autres adhérents, et moi-même. À l’origine, comme beaucoup d’autres groupements, il n’était pas encore question de services, mais d’améliorer les conditions d’achat. En 2014, nous avions créé une CAP (centrale d’achat pharmaceutique), la première en Aquitaine. Elle nous a permis d’assurer notre indépendance, malgré notre petite taille (une cinquantaine à l’époque, 89 aujourd’hui). Aujourd’hui encore, peu de groupements de notre envergure ont une CAP.
Comment vous distinguez-vous des autres groupements ?
Contrairement à beaucoup de nos homologues, il n’y a aucun engagement de durée avec nous. La seule chose que nous demandons, dans la mesure où le groupement appartient à ses adhérents, c’est de prendre une action à 250 euros et de signer une charte de valeurs, d’éthique, et de respect des règles professionnelles. La cotisation est de 1 250 euros par an, dont il est possible de s’affranchir en faisant la majorité de ses achats chez nos partenaires prioritaires. Pour le reste, nous laissons une grande liberté à nos pharmaciens. Enfin, en termes de services, chaque pharmacie bénéficie d’un soutien financier d’environ 6 000 euros, ce qui contribue à couvrir une partie des frais liés à la téléconsultation ou par exemple l’utilisation de solutions numériques.
Notre objectif n'est pas de nous enrichir : nous redistribuons la majeure partie des participations coopératives ainsi que les dividendes à nos adhérents chaque année, en veillant simplement à couvrir nos frais. Pour nos 30 ans, nous voulons accélérer le développement de notre image grand public, avec la mise en avant de notre marque Ici Pharma. Nous sommes aussi en discussion avec des GIE locales pour croître en nombre, afin de dépasser le nombre symbolique de 100 adhérents.
Dans un secteur en pleine concentration, n’est-il pas difficile de perdurer pour un petit groupement comme le vôtre ?
Il est vrai que la concurrence est devenue très rude. Certains groupements que je ne citerais pas viennent même directement et ouvertement « draguer » nos adhérents. Il nous est arrivé plusieurs fois, lors du départ à la retraite d’un de nos membres et de la cession de son officine, que le nouveau titulaire refuse de nous rencontrer.
Le développement d’APSAGIR, union d’Apsara et Agir Pharma, est-il une réponse à cette problématique de concentration ?
En effet ! Nous serons plus de 1 000 pharmacies, ce qui nous rendra plus forts et résistants, tout en garantissant l’indépendance de chacun des 11 groupements membres. Dans le futur, nous aurons probablement une enseigne APSAGIR, car sans enseigne, il est difficile de développer sa notoriété. Nous serons le 5e acteur du secteur. Il y a quelques années nous aurions été le premier, preuve de la vitesse de la concentration des groupements. Ce train, on ne peut pas le rater. Pour les groupements régionaux comme nous, c’est la seule alternative à la financiarisation abusive et dangereuse des fonds de pension.
Cette financiarisation vous inquiète-t-elle ?
Évidemment ! Elle est en partie causée par la difficulté d’installation pour les jeunes pharmaciens. Il faut trouver des solutions pour les aider sans qu’ils perdent le contrôle de leur officine comme cela arrive avec l’entrée des fonds de pension. Sinon, ces derniers finiront par avoir la mainmise sur le réseau officinal en lieu et place des groupements. Pour moi, les démarches spéculatives ne sont pas compatibles avec notre métier. S’il y a financiarisation, ce sera toujours aux dépens des objectifs de santé.
Peut-être que c’est mon côté « vieux jeu » qui parle : je suis un « pharmacien des champs », titulaire à Langoiran, une petite ville de 2000 personnes en Gironde. Cela fait 31 ans que je travaille en officine avec ma femme et une de mes filles. Pour moi, le métier de pharmacien est extraordinaire en raison de la diversité de ses aspects — médical, humain, relationnel, entrepreneurial —. Cependant, il ne le restera que si la profession s'en donne les moyens. Il est essentiel de résister à la financiarisation et de ne pas se concentrer uniquement sur les conditions commerciales, au risque de laisser la grande distribution, bien plus performante dans ce domaine, prendre le dessus sur nous.
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