À Séville, les pharmaciens scandinaves se sont montrés particulièrement actifs, en présentant plusieurs actions destinées notamment à améliorer leurs services… et à optimiser leur temps, car leurs officines manquent cruellement de pharmaciens. La Suède, qui a ouvert en grand ses portes aux migrants ces dernières années, a accueilli parmi eux près d’un millier de pharmaciens. Les organisations professionnelles ont mis en place des programmes de mise à niveau et de formation linguistique accélérée, afin de les intégrer le plus rapidement possible sur le marché du travail, qui en a grand besoin.
Les pharmaciens danois, eux, ont obtenu il y a trois ans le droit de represcrire des médicaments, pour une durée et une quantité limitée, pour certaines indications dont la contraception, l’hypertension, le cholestérol ou le diabète. Les pharmacies d’Odense, dans le sud du pays, ont mesuré la popularité et l’efficacité de la mesure auprès du public, visiblement séduit. Pour ces re-prescriptions, le pharmacien touche un honoraire supplémentaire de 2,50 euros. À Roskilde, toujours au Danemark, les officines ont tenté de quantifier la perte de temps liée aux appels intempestifs des proches ou des aidants de leurs patients, et ont découvert qu’elles consacraient 15 heures par semaine à leur répondre au téléphone, alors qu’une digitalisation efficace des échanges pourrait leur éviter cette activité chronophage et souvent inutile. « Nous pourrions utiliser ce temps perdu pour développer l’éducation thérapeutique… non pas des patients, mais des aidants », ajoutent les pharmaciens, car mis bout à bout sur un an, ce temps représente 87 jours de travail complet par officine, même s’il est vrai que celles-ci sont très grandes et emploient beaucoup de pharmaciens.
Par ailleurs, les pharmaciens scandinaves ont découvert que leurs patients soutiennent majoritairement le remplacement des notices papiers par des notices numérisées, plus faciles à lire et zoomer, et que, contrairement à une idée reçue, les patients les plus âgés y sont les plus favorables, d’autant que 60 % des patients ne lisent de toute manière que la rubrique « effets indésirables ». Les pharmaciens finlandais, quant à eux, mènent des programmes de management pour optimiser et rationaliser leurs actes et leurs gestes tout en améliorant leurs services.
Dépressions et surpoids
Eux aussi très actifs dans la salle des posters, les pharmaciens espagnols ont présenté leurs actions locales de santé publique, notamment pour améliorer la posture et le maintien de leurs patients travaillant à domicile et atténuer les problèmes de vue et de stress liés au télétravail. Ils alertent, aujourd’hui, les autorités sur l’augmentation des dépressions et du surpoids liés au manque d’activité physique chez les enfants et les adolescents.
Mais la FIP, qui vient d’ailleurs d’accueillir son 100e pays membre, se veut aussi le reflet de la pharmacie du monde. Beaucoup plus internationale qu’il y a quelques années, elle invite les pharmaciens de certains pays isolés à découvrir sur place ses activités… À l’image d’un groupe de jeunes pharmaciennes soudanaises, qui représentent l’avenir de la profession dans ce pays où la densité pharmaceutique est l’une des plus faibles du monde.
Si les bilans du Covid ont largement dominé le congrès, les situations nationales étaient très variées et parfois étonnantes : à l’issue d’un exposé parfait sur les causes, les conséquences et la lutte contre les ruptures de stock, une pharmacienne militaire émiratie, la Pr Nadia Al Mazrouei, a montré comment les Émirats, certes plus fortunés que la plupart des pays du monde, ont su dès le début de la crise stocker 6 mois de réserves pharmaceutiques et les réapprovisionner régulièrement, de même d’ailleurs que les produits alimentaires…
Enfin, notons que la présidence de la FIP changera d’hémisphère en janvier prochain : l’Australien Paul Sinclair en a été élu président, et succédera ainsi à Dominique Jordan, pharmacien genevois qui en assure les destinées depuis 2018.