Le Quotidien du pharmacien- Pouvez-vous rappeler comment se calcule le prix de vente d’une officine ?
Nicolas Baldo. - Pour avoir des fourchettes de prix, la référence est l’étude Interfimo qui recense l’ensemble des cotations sur le territoire national. La règle est toujours un pourcentage du chiffre d’affaires et un multiple de l’EBE reconstitué. Je parle d’un EBE reconstitué car, en principe, nous ne prenons pas en compte le salaire et les cotisations sociales du titulaire car cela permet de comparer une pharmacie à une autre. Si le titulaire d’une pharmacie A perçoit par exemple 5 000 euros par mois et si le titulaire de la pharmacie B perçoit 3 000 euros, nous n’avons pas la même valeur, alors que c’est uniquement une politique de rémunération. En principe, cela dépend de la taille de l’officine et de l’emplacement. En moyenne, nous sommes autour, a minima, de 78 % du chiffre d’affaires hors taxes et d’un multiple autour de 6,3 de l’EBE reconstitué.
Quelles sont les opportunités à constituer une holding avant la vente ou au moment de la vente ?
Avant la vente, généralement, nous constituons une holding par apport de titres. Le pharmacien, c’est un pré requis, doit être en SEL puisque la holding est une SPFPL et une SPFPL ne peut détenir que des SEL. Le pharmacien détient les titres de sa SEL, il va les apporter à la SPFPL ; en contrepartie, il va détenir des parts de la SPFPL. Un exemple : j’ai constitué ma SELARL avec 100 000 euros et maintenant les titres de ma SELARL valent 1 million d’euros. Quand je vais apporter mes titres, ils seront à la valeur de marché, à savoir 1 million d’euros. J’ai une plus-value de 900 000 euros. Cette plus-value est en report d’imposition et l’administration le sait via mes déclarations fiscales. En respectant certaines conditions, ce report peut ne jamais tomber c’est-à-dire que je n’aurai pas à payer l’impôt. Si j’apporte 1 million d’euros trois ans avant la cession, si je laisse un délai de trois ans entre l’apport de titres et la vente, si je revends trois ans après à 1 million d’euros, ma plus-value sera calculée sur le million d’euros et je n’aurai pas d’obligation de réinvestir. J’ai vendu à 1 million d’euros, la plus-value ne sera pas fiscalisée et l’argent reste dans la holding. Tant que l’argent est dans la holding, je n’ai pas d’impôt à payer.
Y a-t-il d’autres cas de figure ?
Absolument, si, par exemple, j’ai vendu 1 200 000 euros trois ans après, la plus-value n’est plus calculée sur 1 200 000 euros moins les 100 000 euros, mais sur 1 200 000 euros moins un million d’euros. J’aurai 200 000 euros d’impôt à payer, mais je les paierai selon le régime de la « niche Copé ». C’est un régime qui permet d’avoir un IS très faible, le pharmacien est soumis à une quote-part de frais et charges de 12 %, soit une fiscalité sur l’opération de 3 %. C’est le cas si la vente intervient après le délai de trois ans.
Et si la structure est une SELARL sans holding, que se passe-t-il ?
Si le pharmacien est en SELARL et qu’il y a un acheteur pour les titres, il faut constituer la holding juste avant la cession. Je reprends mon exemple de constituer la SELARL avec 100 000 euros. J’ai un acheteur à 1 million d’euros, je constitue la holding et j’apporte la valeur de mes titres à 1 million d’euros. Si je vends, je suis dans le délai inférieur à trois ans, donc je ne paie pas d’impôt. En revanche, j’ai l’obligation de réinvestir 60 % du montant de la vente et j’ai 24 mois pour le faire. Si je ne réinvestis pas, je paye l’impôt que j’aurai dû payer entre les 100 000 euros constitués au départ et 1 million d’euros de la vente. J’ai deux moyens de réinvestir : soit je rachète les titres d’une autre pharmacie en ayant le contrôle à plus de 51 %, soit je souscris à une augmentation de capital dans une autre pharmacie et je n’ai pas besoin d’avoir un pourcentage particulier dès lors que la souscription de capital est de l’ordre de 60 % du montant dans l’investissement. Voilà les deux moyens de réinvestir pour ne pas payer d’impôt.
Que se passe-t-il si le pharmacien ne veut plus exercer ?
Lorsque le pharmacien a vendu, a changé la structure juridique de la SPFPL, par exemple en constituant une SAS ou une société civile, il peut opérer des investissements qualifiants hors du milieu officinal. Il échappe à ce report d’imposition dès lors qu’il laisse l’argent dans la holding. Si un jour elle est dissoute, ce report tombera et il faudra s’acquitter de l’impôt.
Quels sont les avantages à constituer une holding ?
Une holding est un « parasol » à fiscalité, à contribution sociale dans les phases de vente et de réinvestissement. Elle a d’autres vertus, par exemple en achetant des parts, le pharmacien reçoit des dividendes de cette structure pour rembourser le prêt relatif à l’achat de parts. Et il y a beaucoup moins de fiscalité sur la distribution des dividendes. Autre atout, il est possible de constituer une holding qui va racheter tout ou partie des titres du pharmacien. C’est l’OBO (owner by out), une vente à soi-même. La holding peut constituer un outil pour récupérer du cash, elle s’endette pour acheter les parts du pharmacien. Dernier avantage, si le pharmacien a beaucoup de trésorerie dans la SELARL, il est possible de la remonter en franchise d’impôt, pas pour rembourser le prêt mais pour investir dans d’autres officines. Cela permet, au lieu d’avoir une pharmacie en SELARL qui a un fonds de commerce et qui a des parts dans une autre pharmacie, de bien séparer les investissements. Si une officine rencontre des difficultés, elle n’entraîne pas l’autre pharmacie…
Quels sont les pièges à éviter, les précautions à prendre ?
Si la holding est constituée au bon moment, il n’y aura pas d’impôt à payer. Si elle est créée au moment de la vente, vous avez l’obligation de réinvestir 60 %, alors que si vous faites bien courir le délai des trois ans, vous n’aurez pas l’obligation de réinvestir. Par contre, attention au délai des 2 ans, si la holding est créée en février 2020 et les titres sont cédés en décembre 2021, il n’y a donc pas 24 mois de délai entre le moment où la holding a eu les titres et le moment où elle les a vendus. En cas de plus-value, il n’y aura pas l’abattement dit « niche Copé », il faudra régler le taux de droit commun, donc l’IS à 25 %. Pour avoir l’IS en « niche » Copé avec la quote-part des frais de charge de 12 %, il faut détenir les titres depuis plus de 24 mois. C’est un point sur lequel il faut être vigilant.
Comment les experts-comptables aident-ils les pharmaciens ?
Au moment de l’achat, nous essayons de trouver la structure juridique idoine pour une optimisation sociale et fiscale afin que les pharmaciens conservent le maximum de leurs gains, surtout si c’est pour réinvestir car l’investissement sera plus important Nous les accompagnons en amont du projet, nous étudions les cibles, nous avons une réflexion sur le schéma juridique à choisir. Pourquoi cette optimisation sociale et fiscale ? Si lors de sa première cession, de sa première acquisition, le pharmacien conserve de la liquidité, cela lui permet soit d’acheter une officine de taille plus conséquente, soit de réinvestir et d’aider des jeunes adjoints à devenir titulaire. Et ceci est très vertueux pour le monde officinal.