LIVRES -« Dans un avion pour Caracas », de Charles Dantzig

Un roman en apesanteur

Publié le 08/09/2011

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Confiné dans la cabine d’un avion qui relie Paris à Caracas, où il se rend pour enquêter

Une leçon de liberté
Crédit photo : DR

NI ROMAN, puisqu’il est vain de chercher intrigue ou rebondissement dans le huis clos des neuf heures de vol, ni essai, car aucun des thèmes abordés – l’amitié, l’amour, la politique, le populisme – n’est véritablement traité, « Dans un avion pour Caracas » est un livre sans sujet véritable, qui ouvre aux lecteurs toutes les portes de l’imagination et de la réflexion.

Certains s’interrogent sur les liens du narrateur, un journaliste plutôt attiré par les hommes, avec Xabi Puig, philologue porté au pinacle par le Tout-Paris pseudo-intello et qu’il a connu rayonnant aux bras d’une « artiste conceptuelle » tout aussi adulée. D’autres se demandent si le subit départ de l’égérie, qui, après trois ans de vie commune, a préféré le lit d’une célèbre présentatrice de journal télévisé lesbienne, n’a pas été la cause de sa fuite au Venezuela. À moins que le Catalan au prénom basque (prononcer Chabi), qui a donné pour raison officielle de faire des recherches sur les prénoms – les mots et leur origine constituent aussi un thème récurrent –, n’ait voulu écrire un portrait du populiste dictateur Hugo Chavez. Il est parti et n’est pas revenu.

Mais est-ce si important ? Car le personnage principal a beau être, à en croire le narrateur, le plus intelligent, le plus clairvoyant, le plus drôle, le plus…, il n’est pas le – seul – sujet du livre. Chaque figure évoquée et chaque fait rapporté sont autant de boîtes à idées auxquelles on adhère ou pas. Pas grave si l’on saute un tour, on se rattrape au suivant. Le tout dit avec une belle élégance et une grande habilité. Quitte parfois à enfoncer le clou, l’auteur amène ainsi son lecteur à un état d’apesanteur bienvenu. À conseiller pour n’importe quel vol.

° Issu d’une famille de professeurs de médecine, Charles Dantzig est né en 1961. Il est poète (« la Diva aux longs cils » et « les Nageurs » en 2010), l’auteur de quatre autres romans, dont « Un film d’amour » en 2003 et « Je m’appelle François » en 2007, et d’essais, comme le « Dictionnaire égoïste de la littérature française » en 2005, plusieurs fois couronné, l’« Encyclopédie capricieuse du tout et du rien » en 2009 et « Pourquoi lire ? » en 2010. Également éditeur, il a reçu le grand prix Jean-Giono pour l’ensemble de son œuvre.

Grasset, 299 p., 19 euros.

› M. F.