DEPUIS PLUS de trente ans, vétérinaires et pharmaciens se déchirent au sujet du médicament pour animaux de rente. Pour mettre un terme aux hostilités, un décret est paru le 24 avril 2007, qui fixe une bonne fois pour toutes les règles du jeu. Mais la hache de guerre n'était pas enfouie très profondément. Sur le terrain, les syndicats de pharmaciens constatent que les habitudes perdurent. « Quatre-vingt-sept pour cent des éleveurs indiquent que le vétérinaire leur remet une ordonnance uniquement s'ils s'approvisionnent auprès de lui », affirme Philippe Lépée, lors d'une conférence organisée à Pharmagora. Le vice-président de l'USPO (1) s’appuie sur une enquête menée avec la FSPF (2), auprès d'un millier d'éleveurs, en octobre dernier. Bien décidés à ne pas se laisser tondre la laine sur le dos, les pharmaciens ont voulu écrire noir sur blanc les règles de bonne conduite de chacun des acteurs. Ils insistent notamment sur deux points fondamentaux du décret : l'ordonnance du vétérinaire est obligatoire pour la délivrance des médicaments et, pour cette dernière, l’éleveur conserve le choix du dispensateur. Ce texte de bonne conduite a été rédigé en collaboration avec l'Ordre national des vétérinaires et le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL), principaux représentants professionnels. Il devait être largement diffusé auprès des éleveurs. Problème de taille : alors que les deux parties s’étaient mises d’accord sur les termes du texte, les vétérinaires se rétractent. Ils ne veulent plus signer ce compromis. « Ce n'est pas un texte révolutionnaire. C'est le minimum requis, un rappel à la règle destiné aux professionnels et aux éleveurs, estime Jean-Charles Tellier, président du Conseil central A de l'Ordre des pharmaciens. Cette reculade sans explication des organisations professionnelles vétérinaires est incompréhensible. »
Laisser le libre choix.
Ce à quoi Claude Andrillon répond que « les officinaux ont placé trop d'espoir dans les conséquences de ce décret ». Mais le vice-président du SNVEL ne cache pas son impuissance à faire respecter l'accord par ses troupes. « Ce texte n'aura pas l'impact qu'il devrait avoir auprès de nos confrères. Il ne fait pas l'unanimité au sein de notre profession », reconnaît le représentant des vétérinaires. Raison invoquée : la vente de médicaments est vitale pour les vétérinaires libéraux, qui sont 10 000 en France. « Ils gagnent en moyenne 53 000 euros par an. Des revenus qui tomberaient à 30 000 euros sans la délivrance du médicament vétérinaire », argumente Claude Andrillon. Il conteste aussi l'expertise pharmaceutique en la matière. « Le terme de dispensation pour un médicament vétérinaire est un mythe sémantique. Cette notion n'est d'ailleurs pas présente dans le code de la santé publique. Ce mot de dispensation, il n'y a que les pharmaciens qui l'utilisent », insiste-t-il. Claude Andrillon admet tout de même que « le vétérinaire ne doit pas s'arroger un monopole sur ces médicaments et doit laisser les éleveurs choisir qui les délivrent ». Mais, en pratique, « ils préfèrent un guichet unique de prescription et de délivrance », affirme-t-il. Pour asseoir son refus, le SNVEL se range derrière l'avis défavorable de l'Ordre des vétérinaires, mais ne désespère pas de signer un jour ce texte car il s’agit, selon lui, d’un rappel aux règles élémentaires. Interrogé par « le Quotidien », Christian Rondeau, président de l'Ordre des vétérinaires, indique en effet qu'il ne signera pas ce texte commun. Non pas qu'il n'adhère pas à la démarche. « Je ne veux pas traiter avec des syndicats qui ont voulu se porter partie civile aux côtés de pharmaciens condamnés pour des infractions manifestes à la loi », justifie Christian Rondeau. Il ne reconnaît donc comme interlocuteur que l'Ordre des pharmaciens, auprès duquel il s'est engagé à rappeler leurs devoirs aux vétérinaires.
Prédateurs et affairistes.
Pour André Kuypers, responsable des affaires vétérinaires à la FSPF, il est hors de question, de toute façon, de faire une nouvelle version du texte. Les pharmaciens, qui attendent cette signature depuis des mois, veulent l'arracher au plus vite. N’ayant cessé de rappeler la réglementation en vigueur, ils demandent au syndicaliste de s'engager malgré le refus ordinal. Pour eux, le conflit n'a que trop duré. « Ce dossier a toujours été source d'interprétations, de polémiques, de malentendus, mais aussi d'anathèmes, de diatribes et d'outrances auxquelles il faut mettre un terme », estime Jacky Maillet, président de l'ANPVO (Association nationale de la pharmacie vétérinaire d'officine). Selon lui, « les pharmaciens doivent comprendre que les vétérinaires ne sont pas des prédateurs. À l’inverse, il n'y a pas non plus les bons vétérinaires, dégagés de toute considération mercantile, d’un côté, et, de l’autre, les pharmaciens affairistes ». Jacky Maillet dénonce aussi l'iniquité entre professionnels vis-à-vis de l'inspection des délivrances, qui concerne très rarement les vétérinaires. Autre élément non favorable au pharmacien : l'inscription courante de la mention « renouvellement interdit » sur les ordonnances. « Elle n'est pas fondée, car la plupart des médicaments ne sont pas renouvelables de fait. L'utilisation de cette mention doit être utilisée avec discernement », avertit Jean-Charles Tellier.
(2) Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.
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