Une carrière tient parfois à peu de chose. Pierre Béguerie aurait pu passer sa vie à fabriquer des espadrilles, mais la mondialisation en a voulu autrement. Et le voilà président du bureau du Conseil central de la section A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens !
Le raccourci est un peu hardi, mais proche de la réalité. Né à Mauléon, capitale de l’espadrille, et fils d’un fabricant de la célèbre sandale basque, Pierre Béguerie semble destiné à l’entreprise familiale. Mais l’arrivée massive d’espadrilles chinoises assombrit l’avenir de la production locale : « Mon père m’a conseillé de choisir une autre voie, explique-t-il. J’aimais la biologie et la pharmacie. J’ai toujours gardé en mémoire l’odeur de l’officine du village, elle sentait bon le propre, et la pharmacienne était proche des gens. »
Parachutiste
Pour son service militaire, il refuse de quitter son cher Pays basque : « Je ne voulais pas aller au-delà de l’Adour », avoue-t-il. Il choisit les parachutistes de Pau. Là, il prend goût au sport. Lui qui n’avait repris aucune des ferveurs familiales pour la chasse ou le rugby, se découvre une passion pour la course à pied et pour les randonnées pyrénéennes à pied ou à ski qu’il pratique encore aujourd’hui.
À la fac de pharmacie de Bordeaux, il opte pour la filière industrie : « Elle ouvrait de plus larges horizons, vers une dimension entrepreneuriale, explique-t-il. Mais les débouchés étaient rares en Pays basque, alors je me suis rapproché de l’officine. »
Il sera adjoint à Bayonne, Arcangues et Pau, où il rencontre son épouse. Puis, en 1988, avec une consœur, il crée une pharmacie à Bidart, sur la côte basque. Dix ans plus tard, les deux associés rachètent la seconde pharmacie du bourg, puis se séparent. « J’ai gardé la pharmacie qui est au centre du village entre l’église et le cimetière, comme cela, je peux suivre mes patients jusqu’au bout, plaisante-t-il. Là, chaque matin, en ouvrant ma pharmacie, c’est comme le lever de rideau au théâtre. »
Bricoleur
On le ressent, Pierre Béguerie a la passion du comptoir comme d’autres celles des planches. Passion de l’écoute, du dialogue qui déborde parfois la pharmacie : « Je suis très bricoleur et il peut m’arriver d’aller chez un patient donner un petit coup de main, pour aménager un plan incliné par exemple. »
Aujourd’hui encore, malgré ses responsabilités nationales, il consacre encore beaucoup de temps à son officine*, au risque de se faire gronder par ses deux associés qui sont ses fils : « Je suis très fier d’eux et de leur entente, souligne-t-il. Ils sont mon directeur marketing et mon DRH. »
L’autre versant de sa vie, il l’a rencontré par hasard : « Un confrère m’a proposé de rejoindre le conseil de l’Ordre, par curiosité, j’ai accepté. » Élu en 1992, il se souvient de sa propre installation marquée par quelques « chamailleries » avec le conseil de l’Ordre : « Les pharmaciens ont du courage pour assumer un métier très administré », avoue-t-il. Mais il en retire une farouche volonté de « toujours trouver des solutions pragmatiques ».
Plus jeune conseiller de l’Ordre, il fait profil bas, écoute avant d’essayer de changer les choses : « Rapprocher l’Ordre des confrères, démythifier l’institution, conseiller plus qu’ordonner. » Une ligne qui demeure celle de son actuel mandat.
Président du CROP Aquitaine en 2001, puis de la région Nouvelle-Aquitaine et du bureau de la section A en juin 2019, il reconnaît que la plus difficile des missions ordinales est le jugement en chambre disciplinaire. Un art qui nécessite de naviguer entre deux écueils : le manque de compréhension et le corporatisme : « Je dis toujours : mettez-vous à la place du confrère jugé. Mais nous devons aussi garder à l’esprit les maîtres mots que sont la préservation de la santé publique et du bien-être du patient. »
La déontologie à l’heure de Facebook
Pierre Béguerie s’est impliqué au sein du conseil central dans le chantier de la réunion des régions : « J’ai voulu faire de cette contrainte une chance, en donnant les moyens aux conseils départementaux de rencontrer davantage les confrères sur le terrain. » Un challenge qu’il poursuit au cœur d’un métier en pleine révolution culturelle et technologique : « La profession est passée de 50 à 250 km/h en un an, reconnait-il. De la marge commerciale à la marge intellectuelle : entretiens, vaccination, conciliation, pharmacien prescripteur, CPTS… La mission de l’Ordre est d’accompagner cette évolution, donner des outils aux pharmaciens, recadrer l’acte pharmaceutique en termes de compétence, de structure… faire évoluer les règles déontologiques à l’heure des expérimentations ou de Facebook… Mais sans oublier les textes, les règlements et les devoirs qui nous garantissent un monopole qui assure à chaque officine 2 200 patients. Quelle autre entreprise peut en dire autant ? »
Pour lui, l’information est l’enjeu capital : « Trop pris par leur métier, certains confrères ne font pas la différence entre syndicat et Ordre, mais si l’on ne se tient pas au courant, on a vite fait de déraper », prévient-il. Une information qu’il diffuse tous azimuts, comme lors de sa rencontre fortuite avec Jean-Luc Mélenchon, dans un restaurant bordelais : « Je lui ai laissé ma carte en lui proposant de venir lui parler Pharmacie, raconte-t-il. Il a pris le temps de me dire qu’il n’était pas d’accord pour acheter ses médicaments en grande surface. »
Pierre Béguerie ne rate pas une occasion de défendre la profession, mais son combat s’achèvera dans trois ans, car il ne fera pas de second mandat à la tête de la section A : « Je serai alors à la retraite à taux plein, indique-t-il malicieusement. Et d’ici là, cela me préserve une confortable liberté de parole. »
* Trois pharmaciens associés et cinq préparateurs.
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