LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- La ministre de la Santé s’est prononcée clairement contre l’ouverture du monopole pharmaceutique proposée par l’Autorité de la concurrence. Pensez-vous que ce rempart tiendra longtemps ?
Ce dont je rêve, c’est de pouvoir mettre en place un suivi continu des actions des pharmaciens en matière de prévention de l’iatrogénie, à l’image de ce qui se fait dans le domaine de sécurité routière. Année après année, on suit en effet le fil continu de la décroissance du nombre des morts sur la route. Pourquoi ne donnerait-on pas aux pharmaciens l’occasion de mettre en place une politique de réduction du risque iatrogénique qui aurait pour objectif de baisser le nombre des 13 000 décès par an liés au médicament ? Voilà qui pourrait contribuer à justifier le rempart qui protège notre monopole.
Vos inquiétudes portent-elles plus sur la pérennité du réseau des officines ou sur l’évolution de la démographie professionnelle ?
Ni l’une ni l’autre. Mon souci est surtout qu’il n’y ait pas de baisse de qualité au niveau de l’exercice professionnel. C’est pourquoi l’Ordre a déclaré 2014, année de la qualité. Il faut que les confrères sachent que nous assurerons chaque année le suivi effectif du DPC, parce que notre objectif est de conserver la confiance du public. Et pour cela, il faut absolument que le pharmacien conserve et soigne son expertise. Voilà pourquoi nous avons un énorme chantier sur la qualité pour 2014. Au programme, de nouveaux outils, en plus d’EQO, et à la demande des titulaires, la réalisation d’audits pédagogiques dans leurs pharmacies qui viseront à lancer une dynamique d’amélioration de la qualité à l’officine.
Les étudiants français qui poursuivent leur cursus à l’étranger, ça vous énerve ?
Il faut admettre que le contexte a changé. D’ailleurs je me pose vraiment des questions sur le numerus clausus à l’entrée dans la profession. Comment peut-on garder le concept de quelque chose de contraint dans un espace qui est ouvert ? À partir du moment où vous avez une libre circulation des diplômes au niveau européen, faire peut-être perdre des vocations à des jeunes gens qui voudraient devenir pharmacien, est-ce une bonne chose ?
Vous êtes en train de me dire que vous êtes pour la suppression du numerus clausus ?
Je vous dis que je me pose de vraies questions sur l’utilité du maintien du numerus clausus.
La rémunération à l’honoraire, actuellement en gestation, est-elle conforme à l’idée que vous vous faites de la valorisation de l’acte pharmaceutique ?
Si on se projette un peu dans le futur, on voit arriver deux évolutions : la diminution du prix des génériques, et inversement, l’arrivée des médicaments personnalisés aux prix forcément élevés. Des évolutions qui amènent à s’interroger : est-ce que le pharmacien va pouvoir continuer d’accrocher sa rémunération uniquement à la vente du produit, ou est-ce qu’il va pouvoir aller vers un accompagnement personnalisé ? La réponse est évidente : il restera toujours une partie de logistique, mais il y aura parallèlement un accompagnement personnalisé qui sera lui, bien évidement, rémunéré. Oui, on doit aller vers une rémunération qui, au moins partiellement, se détache du produit.
Pensez-vous que toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que l’activité des cyberpharmacies soit vraiment sûre ?
À la fois oui et non. Oui, parce que les choix qu’a fait la France de réserver ces sites aux pharmaciens d’officines et d’y associer des bonnes pratiques, font que si un pharmacien veut bien travailler, il le peut. Non, parce que ce n’est pas tout de faire des lois, il faut aussi que les contrôles soient possibles. Or aujourd’hui, sur les 84 officines en ligne, certaines ne sont absolument pas conformes aux bonnes pratiques, et cela n’échappe bien sûr pas aux journalistes de la presse consumériste. Ce qui aboutit à montrer une vitrine de la profession où des choses ne vont pas. Problème, l’Ordre n’a pas vocation à contrôler cette activité, c’est le rôle des agences régionales de santé (ARS).
En terme de sécurisation des sites, l’Ordre avait émis l’idée de mettre gratuitement à la disposition de toutes les pharmacies un sous-nom de domaine composé ainsi : prénomnom@pharmacien.fr, malheureusement l’Autorité de la concurrence a très récemment rejeté cette possibilité au motif que cela créerait une distorsion de concurrence avec les autres sites européens évidemment non inscrits à l’Ordre Français.
Quels seront les prochains développements du dossier pharmaceutique ?
Concernant le DP patient, on considère que son développement est fini, donc on n’y met plus aucune ressource financière et humaine. En revanche, on affecte beaucoup de moyens pour son développement en établissements de santé. À ce jour, 71 DP y sont déjà installés et un plan de déploiement est établi pour concerner à terme les 2 600 établissements de santé. Parallèlement, le DP retrait et rappel de lot a désormais trouvé sa vitesse de croisière. Les industriels ont très massivement privilégié cette solution pour véhiculer leurs informations. À venir, reste à améliorer encore la fonction relative aux ruptures d’approvisionnement.
Mais le prochain grand chantier du DP sera certainement celui des vaccinations. Il faut que les pharmaciens aient connaissance du statut vaccinal de leurs patients. Cela suppose un historique qui dépasse largement les 4 mois actuels, porté exceptionnellement, avec cet objectif particulier, à 25 ans. Au-delà de la mission de rappel aux personnes, le Conseil national de l’Ordre souhaite que les pharmaciens pratiquent eux-mêmes les rappels de vaccination chez l’adulte.
Ne pensez-vous pas que la répétition des ruptures de stock peut finir par abîmer l’image même du service rendu par les pharmaciens ?
Cette image peut en pâtir, mais le contraire est aussi possible. En effet, les patients confrontés à une rupture, constatent aussi que le premier réflexe du pharmacien est de se démener pour trouver une solution en tentant de se dépanner auprès des confrères, des répartiteurs, voire directement auprès du laboratoire, ou en appelant le prescripteur. Au-delà, malheureusement le problème des ruptures est excessivement complexe et ne pourra aller qu’en empirant. Les seuls paramètres que l’on peut améliorer concernent l’information et la gestion de cette information entre les différents acteurs.
Le décret sur les SPF-PL est enfin paru à l’été 2013. Ce texte est-il dans son principe et dans sa forme, conforme à ce que vous appeliez de vos vœux ?
Oui, clairement. On a tout fait pour qu’il en soit ainsi. Pourquoi ce décret est une bonne chose ? D’abord parce que si les pharmaciens disposent de deux modes de regroupement, le regroupement physique et le regroupement juridique, c’est bien cette deuxième option permise par le décret sur les SPF-PL qui est aujourd’hui choisie. Ce texte permet aussi aux adjoints d’entrer dans le capital des SPF-PL. À ce jour, on a déjà 200 SPF-PL inscrites alors que le décret date de juin. Une dizaine d’adjoints sont dans le capital de SPF-PL. Lorsqu’on compare la cinétique de démarrage des SEL à celle des SPF-PL, on observe que l’adhésion au dispositif des SPF-PL est beaucoup plus rapide !
Vous avez engagé à l’automne 2013 l’« Opération Jeunes », un grand tour de France qui vous donne l’occasion de rencontrer la génération montante de la profession. Quel en est le premier bilan ?
La priorité de mon mandat c’est de traiter la double problématique des jeunes qui n’entrent pas dans la profession et des seniors qui vont bientôt la quitter. Comme je suis de nature optimiste, j’ai décidé d’aller sur le terrain pour écouter ces jeunes et tenter de comprendre ce qui les intéresse. Huit réunions en région sont prévues autour de trois grands thèmes. Nous allons, au terme de ces consultations de confrères de moins de 35 ans, aboutir à la rédaction de recommandations que nous porterons en septembre 2014 à la connaissance de la profession. Ce qui frappe dans le constat que l’on peut déjà faire après les premières réunions, c’est le pessimisme de la profession, même si, dans le même temps, elle montre des signes d’engagement et de l’enthousiasme. Ce que veulent les confrères c’est savoir où ils vont, où est le futur de la profession.
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