IL NE FAUT surtout pas se lancer dans la liste des écrivains nés dans la capitale irlandaise, ayant décidé d’y vivre ou de la quitter. L’énumération est interminable. Par facilité, on s’en tient donc aux classiques. D’abord les quatre prix Nobel de littérature – William Butler Yeats, George Bernard Shaw, Samuel Beckett et Seamus Heaney –, plus l’incontournable Oscar Wilde. Et surtout James Joyce. À tous les coins de rue, on trouve une trace de l’auteur d’« Ulysse ». Il n’existe sans doute pas en Europe d’article folklorique plus répandu que les statues et les souvenirs de l’écrivain. Probablement incarne-t-il pour Dublin le commencement de ce qui demeure son âge d’or littéraire, le XXe siècle. De plus, l’écrivain a placé la ville au centre de son œuvre.
L’itinéraire commence en banlieue.
Construite à Sandycove, au bord de la mer d’Irlande, la James Joyce Tower and Museum était, à l’origine, une forteresse bâtie pour se protéger des invasions napoléoniennes. Joyce n’y a vécu qu’une petite semaine mais a trouvé ici l’atmosphère déroutante des premières lignes d’« Ulysse ». Quelques souvenirs de l’écrivain et une vue immense sur la baie de Dublin.
Avec Leopold Bloom. En ville, les statues de Joyce ne se comptent plus. Quatorze plaques de bronze signalent aussi les principales étapes d’« Ulysse ». Le marathon de Leopold Bloom, personnage du livre, fait au total 29 km et parcourt toute la ville. Étape inévitable, la pharmacie Sweny, qui ressemble toujours à ce que l’on peut lire dans les lignes de Joyce : « Je ferais bien de commander cette lotion, dit Leopold Bloom. Où est-ce ? Ah, oui, la dernière fois. Chez Sweny, Lincoln Place. Les pharmaciens ne bougent guère. Leurs bocaux vert et jaune d’or sont trop lourds à changer de place. » Décor immuable ; formidable bric-à-brac de livres d’occasion, de bocaux multicolores et de savons au citron. Parfois, des comédiens amateurs mettent en scène « Ulysse », en costumes d’époque.
Sur Duke Street, à quelques pas de la Grafton Street, la plus célèbre rue commerçante de Dublin, le pub Davy Byrnes a été immortalisé par Joyce. Son héros se fait servir des rognons au petit déjeuner et un sandwich au gorgonzola accompagné d’un verre de bourgogne pour le déjeuner. En plein cœur de Temple Bar, quartier touristique connu pour sa vie nocturne, le pub Oliver St John Gogarty porte le nom du poète irlandais qui a inspiré à Joyce le personnage de Buck Mulligan dans « Ulysse ». Un groupe sculpté en bronze évoque le souvenir de cette relation littéraire.
Il faut aussi voir le Musée des écrivains (Dublin Writers Museum), niché dans une jolie maison géorgienne située sur Parnell Square. Il retrace l’épopée de la littérature irlandaise des origines aux années 1980. Éditions rares, manuscrits, lettres, et objets cultes (la machine à écrire de Samuel Beckett, le piano de Joyce, les lunettes dÓ Cadhain).
Oscar Wilde a passé son enfance dans une des grandes maisons géorgiennes qui bordent Merrion Square. Elle est au numéro 1 mais ne se visite pas (William Butler Yeats a habité un peu plus loin, sur la même place, au 52 et au 82). Œuvre du sculpteur Danny Osborne, la statue polychrome de l’enfant terrible de Dublin trône dans une allée du parc. L’auteur du « Portrait de Dorian Gray » est langoureusement allongé sur un socle dans une posture toute représentative de sa réputation sulfureuse. Il avait été condamné en 1895 à deux ans de travaux forcés pour homosexualité.
Défenseur de la liberté.
La visite de Trinity College s’impose aussi parce que c’est la mémoire de l’écriture irlandaise. On peut y admirer le « Book of Kells », un des livres plus anciens du monde : les quatre Évangiles écrits en latin par des moines irlandais au VIIe siècle : 340 folios couverts d’enluminures et de calligraphies précieuses. La bibliothèque – une longue galerie de 64 m de long, tapissée de 200 000 ouvrages – a vu passer Shakespeare ou Swift. D’ailleurs, l’auteur des « Voyages de Gulliver » est enterré dans le chœur de la cathédrale Saint-Patrick. Il avait lui-même écrit son épitaphe en latin gravée sur sa tombe : « Ici repose la dépouille de Jonathan Swift, D.D., doyen de cette cathédrale, qui désormais n’aura plus le cœur déchiré par l’indignation farouche. Va ton chemin, voyageur, et imite si tu le peux l’homme qui défendit la liberté envers et contre tout. » Car il était surtout ennemi des Anglais, pamphlétaire à l’humour féroce et défenseur des pauvres.
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