Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a ouvert la voie à l’usage des cartes de fidélité dans les officines en 2016. Avec néanmoins des garde-fous, en tête desquels l’impossibilité d’utiliser les programmes de fidélité pour les médicaments – ils sont donc limités aux produits de parapharmacie, cosmétiques et aux compléments alimentaires. Le CNOP interdit aussi la possibilité pour les pharmacies de proposer des cartes qui seraient à leur nom. Seuls des groupements ou des entreprises ayant la capacité de les représenter sont autorisés à élaborer de tels programmes. Lesquels groupements se sont immédiatement engouffrés dans la brèche. On ne compte plus aujourd’hui le nombre de ceux qui proposent des cartes de fidélité à l’usage de leurs adhérents. Et pour cause, ce dispositif, commercial par essence, est d’un usage très courant dans de nombreux secteurs, et semble être désormais un succès en pharmacie. En témoignent les différents ratios de croissance évoqués par les groupements que nous avons interrogés, des paniers moyens qui augmentent au moins de 10 %, parfois de 30 %.
La technologie en contrainte
Et pourquoi s’en priver ? Cela a l’air si simple. Il suffit de s’adresser à un spécialiste capable de proposer la technologie et le savoir-faire idoines, ils ne sont pas nombreux, lesquels spécialistes soulignent qu’au fond la technologie, en tout cas dans son usage pour les groupements et leurs adhérents, est simple. « Les groupements ne posent pas trop de questions sur la technologie du reste, les questions sont d’ordre marketing, la technologie vient après, en contrainte d’une certaine manière », explique Philippe Passault, directeur général du groupe Aquitem. Mais comme souvent dans ces plateformes à l’usage fluide, ou tout au moins est-ce l’objectif qu’on leur fixe, la technologie sous-jacente peut être plus sophistiquée. « Ce qui est important, c’est la machinerie derrière, c’est la possibilité qu’on a de tout analyser », ajoute Philippe Passault. Ce sont des plateformes Web en mode Saas (administrées depuis le site hébergeur du prestataire) dont la souplesse permet de s’adapter à chacune des demandes.
C’est du moins la caractéristique revendiquée par Adelya, autre spécialiste des programmes de fidélité. « Elle nous permet de coller ainsi aux besoins des groupements, selon leurs axes stratégiques », commente Alexandre Delaunay, directeur retail de l’entreprise. Ces prestataires, qui connaissent bien d’autres secteurs où sont utilisées des cartes de fidélité, n’ont qu’une seule réelle contrainte technique à respecter dans le monde de l’officine : l’interopérabilité avec les LGO. Tous les acteurs sont d’accord sur ce point, elle est indispensable. C’est en effet en puisant directement dans les historiques de ventes des patients et clients des officines qu’il sera possible pour les spécialistes de programmes de fidélité de pouvoir segmenter à l’envi les différentes campagnes de fidélisation destinées aux pharmacies. Aquitem et Adelya ont donc conclu des partenariats avec les éditeurs de LGO. « Nous y avons mis beaucoup d’énergie, les éditeurs de LGO ont leur propre roadmap et ces sujets liés à l’interopérabilité viennent un peu mordre dessus, nous nous devons d’avoir du répondant technologique », commente Philippe Passault.
Les différentes façons de récompenser la fidélité
Pour les groupements, ou toute autre entreprise susceptible de lancer des programmes de fidélité à destination des officines comme le fait actuellement Pharmonweb, spécialiste de solutions marketing et digitales, l’essentiel est de pouvoir disposer des outils qui vont définir, seuls ou avec leurs prestataires, leurs programmes. Définir, c’est-à-dire choisir déjà la méthode qui va permettre de nourrir la carte de fidélité, cela peut être un système de distribution de points de fidélité, de bons d’achat, de chèques cadeaux…
Par exemple, chez Pharmactiv, l’accumulation de 100 points entraîne un bon d’achat de 7,50 euros. Certains vont choisir directement l’abondement en euros, comme le fait Pharmavie. « Nous avons préféré un "cagnottage" en euros, cela nous a paru plus simple pour le patient-consommateur que d’avoir à cumuler des points », explique Laurence Dubois, directrice marketing et services du groupement. Une affaire de sensibilité, d’autres préfèrent ne pas parler d’euros, ne pas donner une notion trop précise de ce que les clients dépensent, préconise ainsi Philippe Passault. Au-delà de la structure de base du programme de fidélité, il est indispensable de l’animer tout au long de l’année par des campagnes ciblées. C’est là que l’interopérabilité avec les LGO est importante, elle va permettre de puiser dans l’historique des ventes des patients et des clients des données que la plateforme va analyser afin de segmenter la clientèle en vue de mieux cibler les campagnes régulières ou ponctuelles menées par les groupements. « Tout l’intérêt de ces programmes est en réalité la mise en place d’opérations spécifiques pour par exemple la Saint-Valentin, ou la Fête des Mères », estime Olivier Verdure, directeur de Pharmonweb. Il faut au passage aussi puiser les bonnes données pour identifier les produits éligibles à ces programmes de fidélité. « Nous avons accès à la Base Claude Bernard qui grâce à sa nomenclature de codes uniques nationaux facilite cette identification », précise Alexandre Delaunay. Les groupements complètent souvent leurs programmes de fidélité par des newsletters envoyées aux clients pour les informer des opérations qui se déroulent dans leurs officines.
Visibilité d’enseigne
Les groupements peuvent aussi avoir à choisir un programme de fidélité national où il est possible pour un client de transformer ses points ou ses bons d’achat dans une autre pharmacie de l’enseigne que celle où il a acquis sa carte de fidélité. Dans ce cas, ils adoptent le système dit de compensation qui, pour ne pas léser cette dernière, répartit les bénéfices obtenus sur les deux pharmacies.
C’est l’objectif affiché de Pharmactiv pour la fin de cette année. « Si on veut une visibilité d’enseigne, il faut avoir une carte nationale », affirme Amel Magmagui responsable marketing du groupement. Autre choix possible, celui de laisser aux adhérents le soin de concevoir eux-mêmes leurs campagnes. Sur le plan technologique, rien de plus simple, et certains s’y mettent volontiers. Il leur suffit d’utiliser la plateforme, les gabarits d’e-mails et la charte graphique qui sont mis à leur disposition. Mais par manque de temps, ou un peu timides face à cette opportunité, la plupart utilisent plutôt les programmes clés en main conçus par les groupements, avec ou sans l’aide de leur prestataire. Ceux-ci proposent aussi une approche multicanal, à l’instar d’Adelya, « on reconnaît aussi la fidélité sur le Web » souligne Alexandre Delaunay. Cela permet notamment d’articuler les programmes de fidélité avec les services de click & collect par exemple.
Last but not least, se pose la question de la dématérialisation des supports, déjà, l’existence des cartes plastifiées n’empêche pas l’informatisation totale du circuit, les clients n’ont plus besoin de la présenter. Et certains songent à dématérialiser totalement sous la forme de « wallet » sur smartphone. Mais de l’avis de nombreux groupements, les clients âgés restent fidèles aux cartes plastiques. D’où en général une dématérialisation partielle, sans suppression de ces supports.
Le terrain glissant des services
Tout est-il toujours aussi simple ? Certains points s’avèrent parfois plus complexes comme la gestion parallèle des programmes de fidélité initiés par les laboratoires. « Avoir à gérer deux types de programmes de fidélité est trop complexe, aussi bien pour les pharmaciens que pour leurs clients, nous sommes en train de travailler avec notre prestataire Aquitem sur "l'encapsulage" des programmes labos dans les nôtres », révèle Laurence Dubois. Pas toujours facile, d’autant que l'usage du digital se répand dans les laboratoires sont en retard sur l’usage du digital dans ce domaine et certains utilisent encore des supports papier. « Leurs programmes disparaîtront petit à petit au profit de ceux des groupements », prédit Laurence Dubois.
Et puis, il y a les tendances récentes à aller vers de nouveaux horizons, en dépassant celui strictement commercial des cartes de fidélité. Et notamment le développement durable, à l’image de Médiprix qui a lancé une carte « solidaire » (voir le « Quotidien » du 23 janvier), consistant à transformer les points obtenus au titre de ce programme en argent remis à des associations. C’est aussi la direction prise par Pharmactiv qui entend laisser aux adhérents la liberté de convertir ces points pour le compte d’associations, avec lesquelles le groupement est actuellement en négociation.
Plus encore, certains se lancent sur le terrain quelque peu glissant du service, en reliant fidélité et services. Optipharm notamment a décidé de lancer un programme de fidélité original avec la complicité de Monali, spécialiste de la relation ville – hôpital qu’on n’attendait pas sur ce terrain. « Les clients peuvent connaître leurs compteurs sur leurs achats grâce à ce programme, mais aussi peuvent avoir les informations sur leur bilan de vaccination, sur leurs entretiens pharmaceutiques, etc., explique Alain Grollaud, directeur d’Optipharm. La fidélisation des patients n’est pas seulement commerciale, elle se fait aussi sur les services, insiste-t-il, même si la fidélisation par les services ne se mesure pas de la même manière. »
Le programme de fidélité gère donc les différents aspects des actions à entreprendre ensemble, mais aussi séparément de façon à éviter tout amalgame commercial. Une frontière qui n’est cependant pas si facile à définir. Sera-t-on autorisé à transformer des points de fidélité en services concrets ? « Si la réglementation évolue, les programmes de fidélisation pourraient à l'avenir être autorisés sur des services ne relevant pas des missions de service public, estime Laurence Dubois, sans doute est-ce possible pour des prestations non remboursées, comme par exemple proposer un bilan nutritionnel. » Quant au fait de contacter le patient, il faut se conformer au RGPD qui prévoit le consentement éclairé du patient. Celui-ci peut choisir par quel biais il peut être contacté et peut se désabonner à tout moment des communications.
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