C’est le septième coronavirus capable de contamination humaine et le troisième décrit au cours des deux dernières décennies. Après le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002 et le syndrome respiratoire du Moyen Orient (MERS-CoV) en 2012, le 2019-nCoV, qui est apparu dans un marché de fruits de mer dans la ville de Wuhan dans la province de Hubei en Chine fait trembler le monde à son tour.
Que sait-on de ce virus émergent ? Quelle virulence ? Quelle contagiosité ? Existe-t-il des porteurs asymptomatiques voire des supertransmetteurs ? Plusieurs équipes chinoises publient les premières données dans « The New England Journal of Medicine » et « The Lancet ».
L’hôpital à risque élevé de transmission nosocomiale
Premier constat prioritaire,la transmission interhumaine de ce virus zoonotique est avérée par contact manuporté ou aéroporté. La démonstration en est faite au sein d’une famille de six individus dans « The Lancet » (1), mais aussi à travers les cas d’infections rapportées à l’hôpital chez les professionnels de santé en charge des patients infectés.
Dans la famille étudiée, cinq personnes ayant séjourné à Wuhan ont été infectées et la sixième n’ayant pas voyagé l’a été également après quelques jours à leur contact. Aucun des membres n’était allé au marché ou n’avait eu de contact avec des animaux, en revanche deux des membres de la famille étaient allés à l’hôpital. Un enfant de dix ans était asymptomatique, mais tous présentaient des opacités en verre dépoli à la radio. Le patient le plus âgé (> 60 ans) présentait des symptômes plus marqués : opacités étendues, lymphopénie, thrombocytopénie, taux élevés de CRP et de LDH.
Un orage de cytokines dans les cas graves
Comme le fait de façon concordante une étude plus modeste (2) chez trois patients contaminés, la seconde publication du « Lancet » (3) livre la description clinique de 41 patients pris en charge dans un hôpital de Wuhan. Ces patients infectés par le coronavirus – des hommes pour la plupart (75 %) âgés en moyenne de 49 ans – ont tous fréquenté le marché de fruits de mer.
Contrairement aux autres coronavirus humains, il apparaît dans les études que l’atteinte respiratoire haute (rhinorrhée, mal de gorge, éternuements) et les diarrhées sont peu fréquentes. L’ensemble des patients présentaient des opacités radiographiques, mais la présentation clinique était assez variable : fièvre quasi constante (98 %), toux très fréquente (75 %), courbatures et asthénie (44 %), mais aussi expectorations (28 %), céphalées (8 %) voire diarrhées (3 %). Une dyspnée était retrouvée chez la moitié des patients (55 %), ainsi qu’une lymphopénie (63 %).
Près d’un tiers a été admis en réanimation pour syndrome de détresse respiratoire aigu et 15 % (n = 6) sont décédés. Cinq patients (12 %) ont eu un infarctus du myocarde. Par rapport aux patients hospitalisés en service conventionnel, ceux admis en soins intensifs présentaient un orage de cytokines (IL2, IL7, IL10, GSCF, IP10, MCP1, M1P1A, TNFα). « De façon générale, les patients sont dans un état moins grave qu’avec le SRAS », a déclaré le professeur français Yazdan Yazdanpanah (AP-HP).
Aujourd’hui, il n’existe aucun traitement spécifique contre les coronavirus, ni antiviral ni vaccin, même si l’association ritonavir-lopinavir est actuellement testée dans des essais contre le MERS-CoV et le 2019-nCoV. Dans la cohorte de Wuhan, les corticoïdes ont été très peu administrés hors réanimation, et davantage (moins de la moitié) en soins intensifs, conformément aux recommandations de l’OMS émises pour le SRAS et le MERS-CoV (pas d’effet sur la mortalité, mais clairance virale augmentée).
Virulence et contagiosité, deux énigmes à lever
La gravité de l’infection est inquiétante. Néanmoins, est-ce le reflet de l’épidémie ou est-ce un biais de recrutement ? Comme le font remarquer les auteurs et les éditorialistes, seuls les cas symptomatiques vont consulter. Il est probable que les patients ayant une atteinte légère ou modérée continuent à travailler et à voyager, ce qui est une menace de contamination pour le reste de la population. « Un virus qui pose un faible risque à l’échelle individuelle peut poser un risque élevé à l’échelle d’une population », est-il souligné dans l’éditorial du « New England Journal of Medicine ». Aucun cas d’enfant ni d’adolescent n’a été décrit dans les séries, ce qui mérite d’être approfondi.
La gravité est-elle synonyme de plus grande contagiosité ? La question reste posée. Une inconnue supplémentaire concerne la possibilité de supertransmetteurs, responsables à eux seuls d’un très grand nombre de nouveaux cas, comme lors des épidémies précédentes de SRAS et de MERS-CoV.
Il est important d’identifier quel animal transmet le virus à l’homme, la chauve-souris (vraisemblable réservoir primaire) ou un hôte intermédiaire, afin de mieux sécuriser la chaîne de transmission. Dans le cas du SRAS, il s’est avéré qu’il s’agissait de la civette, dans celui du MERS, du dromadaire.
Étant un virus à ARN, le coronavirus comporte de façon inhérente un risque élevé de mutations, même s’il est moins élevé en raison d’une exonucléase. Cet aspect suggère une capacité d’adaptation du pathogène qui peut « devenir transmissible d’une personne à l’autre plus facilement et possiblement plus virulent », est-il expliqué dans un commentaire du « Lancet ».
Alors que l’infection asymptomatique semble possible au-delà de la période d’incubation et qu’elle pourrait s’accompagner de contagiosité, pour le Pr Kwok-Yung Yuen, de l’université de Hong-Kong (3), « le contrôle de l’épidémie repose sur l’identification des patients, le repérage et l’isolement des contacts dès que possible, l’information du grand public, et l’assurance que les professionnels de santé appliquent les mesures de contrôle de l’infection ».
(1) J Fuk-Woo Chan et al. The Lancet. doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30154-9.
(2) Zhu Na et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMoa2001017.
(3) C Huang et al. The Lancet. doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30183-5.
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