J’AI DÉJÀ ÉVOQUÉ dans cette chronique mon incapacité incurable à additionner ou soustraire des chiffres mentalement. Et ne me demandez surtout pas de multiplier ou de diviser, avec des astuces du genre mais si, enfin, tu ajoutes 100, tu divises par 2 et tu enlèves 4, regarde, ça revient au même. D’abord ça m’énerve, et ensuite c’est comme ça, je n’y arriverai jamais. Au point que, encore maintenant, je serais bien en peine de vous dire, à brûle-pourpoint, combien de comprimés ça fait, trois boîtes de vingt-huit comprimés. Et pourtant, c’est tellement utile dans notre profession. Un comprimé un quart les jours pairs et un comprimé et demi les jours impairs, quel casse-tête pour moi, combien de comprimés devrais-je donner, pour un mois, ou, pire encore, pour quatorze jours ?
Le bon Docteur A., certainement sous le coup d’une émotion trop forte pour lui, avait prescrit l’autre jour à une de ses patientes du « Rends-moi plus fort » 50 mg, un comprimé le matin, un comprimé le midi et un comprimé le soir. Puis, insouciant, il était carrément parti en week-end. La prescription sous les yeux, je hausse un sourcil, puis les deux. Le bon Docteur A. ne sait-il donc pas, comme nous tous, que le « Rends-moi plus fort » 50 mg a été supprimé depuis deux ans et demi ? Ce n’est pas rien tout de même. Mais qu’est-ce qui lui a pris, alors que d’habitude il prescrit très bien le « Rends-moi plus fort » LP 37,5 mg ou LP 75 mg ? Avec Babette-la-préparatrice, nous étions plongées dans une grande perplexité. Mais nous ne pouvions être éclairées qu’à la condition de joindre le bon Docteur A, qui s’était joyeusement éclipsé sur son scooter de luxe.
Une fois mon message enregistré sur sa boîte vocale, il ne restait plus qu’à attendre, en priant pour qu’il veuille bien rappeler la pharmacie. Nous avions de quoi nous occuper, préparer les piluliers individuels, les commandes des services (compresses, sachets de laxatifs, gélules de paracétamol, flacons de S.H.A.), les traitements pour les sorties en permission pour le week-end, et puis répondre au téléphone, dénicher la bonne insuline, commander la buprénorphine pour la semaine suivante… Bref, le bon Docteur A. a fini par rappeler, mais à un moment où j’étais allée dans un service vérifier je ne sais plus trop quoi. Il a donc parlé à Babette-la-préparatrice.
« Mais enfin, Babette, vous savez bien que trois fois 50 ça fait 150. Vous n’avez qu’à donner deux comprimés à 75, ça revient au même ! ». Pour une fois, je suivais parfaitement, 3 fois 50 égale 2 fois 75 égale150.
« Mais il n’a rien dit d’autre ? Genre 2 le matin, ou 1 matin et soir, ou 1 le matin et 1 à midi ? »
« Ben non. »
« Mais on fait quoi, alors ? »
« 2 le matin c’est pas mal, non ? »
« Oui, mais elle n’en prenait pas du tout, alors ce serait peut-être mieux 1 le matin et 1 à midi ? »
« Si tu veux, mais 2 le matin c’est bien aussi. »
Visiblement ça n’avait pas grande importance pour le bon Docteur A., du moment que la patiente avalait ses 150 mg. On y est allé en douceur, 75 mg le matin et 75 mg à midi, et ça a eu l’air de marcher.
Et du coup, je me suis aussi rendue compte que j’étais quand même bien copine avec la table de 5. Je ne serais donc pas totalement irrécupérable, finalement ?
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