- Mademoiselle Nicolas, votre dossier me paraît robuste. Certes, votre apport n'est pas élevé mais il est tout à fait suffisant puisque les titulaires de la Pharmacie du Marché vous soutiennent, et investissent dans votre future entreprise. Mais pourquoi avoir demandé un montant d'emprunt supérieur à la valeur de rachat ?, questionne le chargé de clientèle de la banque tout en tournant les pages du dossier.
- Je pense que des travaux de réaménagement sont nécessaires ; la pharmacie est un peu vieillotte. Par exemple, il n'y a pas d'espace de confidentialité ; il faut en créer un. C'est indispensable si je veux mettre en place les nouvelles missions, ne serait-ce que la vaccination contre la grippe, répond Juliette, très à l'aise.
- Soit. Entre parenthèses, il vous en reste ?
La jeune pharmacienne, surprise, regarde son interlocuteur.
- Il m'en reste… de quoi ?
- Des vaccins contre la grippe ? Moi, je ne peux pas me permettre d'avoir la grippe cette année. Avec tout le travail qu'on a suite au confinement… sauf que mon pharmacien a refusé de m'en vendre parce que je ne suis pas prioritaire, explique le banquier en mimant de ses doigts les guillemets.
- Ah, ben non. Plus un seul. On a été dévalisé. Mais on devrait en recevoir cette semaine. Et puis, la grippe n'est pas encore arrivée, ça laisse un peu de temps. Et pour mon emprunt donc ?
- Oui, bien sûr. Ce n'est pas à vous de financer les travaux de l'officine ; c'est à la société que vous allez créer lors de l'acquisition. C'est cette société qui s'endettera pour le réaménagement. Pas vous. En revanche, vous avez tout à fait raison. Il faut rendre l'outil de travail le plus compétitif rapidement, et raisonnablement bien entendu.
L'homme relève les yeux vers Juliette, la regarde, puis se met debout en lui tendant la main :
- En tout cas, Mademoiselle Nicolas, nous serons très heureux de vous accompagner dans ce beau projet. Je vous propose de nous revoir d'ici quelques jours, pour le déblocage des fonds, lorsque l'acte de vente sera signé devant le notaire.
Après le rendez-vous, Juliette serre le dossier de rachat contre elle. Elle ne réalise pas qu'elle va devenir titulaire. Elle n'imaginait pas le nombre de démarches administratives à faire pour devenir titulaire. Heureusement, elle peut compter sur l'aide de son oncle, lui-même pharmacien, et surtout de son père, entrepreneur. De retour à la pharmacie, elle a à peine le temps d'enfiler sa blouse quand J-C l'interpelle :
- Alors ?
- Alors c'est bon !, s'exclame l'adjointe. La banque me suit.
- Excellent. Je ne m'attendais pas à une autre réponse, bravo. Juliette, on en parlera plus tard ; pour le moment, le devoir nous appelle. Tout le monde nous demande si on fait les tests ; ça devient insupportable. Au fait, changement de doctrine pour les masques : on peut en redonner aux professionnels de santé, à partir du stock d'État. Il nous en reste une centaine, selon Gisèle. Ils vont nous rendre chèvre avec ces changements de consignes tous les quatre matins. Si j'étais vulgaire, je dirais qu'on se fait b…
- Oui J-C, on a compris, merci, l'interrompt Karine.
- Heu, je peux vous demander ? J'ai une ordonnance bizarre de prégabaline, intervient Damien.
(À suivre…)