En 2002, Chirac ayant pour rival Jean-Marie Le Pen, certains de mes concitoyens ont manifesté contre le choix qui leur était offert et qu'ils jugeaient insupportable.
Pas la peine de manifester, osais-je dire dans ces mêmes colonnes, il suffit de voter contre l'extrême droite. Je fus alors surpris de recevoir le coup de fil d'un des manifestants qui exigeait que je fisse amende honorable et revienne sur mon analyse. « Vous ne comprenez rien, dit mon correspondant, voter n'a aucun intérêt, mais manifester apporte beaucoup de plaisir ». Interloqué, je trouvais son propos irréfutable d'une certaine manière, bien que je n'eusse jamais éprouvé la moindre volupté à crier à la cantonade. Néanmoins, j'ai fait valoir qu'on peut manifester sans obtenir un résultat et que, pour en être sûr, il suffisait de glisser un bulletin dans l'urne. Ce qui me valut une volée de bois vert. Pas grave : cela fait partie des risques du métier. On va, cette année, vers la même configuration au second tour, au terme duquel un chef de l'extrême gauche s'apprête à entrer à Matignon. Bizarrerie du peuple dont les voies, aussi impénétrables que celles du Seigneur, trouve du confort dans le civisme physique. Hurler à s'en rompre la gorge plutôt que de passer par le système du suffrage universel.